En Somalie, on croit toujours que le pire est impossible, mais le pire arrive toujours. Depuis 2002, je me suis rendu cinq fois en Somalie, et, d’un voyage à l’autre, j’ai vu ce pays s’enliser. Aujourd’hui, il semble avoir sombré dans l’horreur absolue. Lors de mon dernier passage par la capitale somalienne, j’ai vu Mogadiscio se vider, pour ne plus y rencontrer que des jeunes miliciens, dopés au qat et se tirant dessus, ainsi que des femmes et des enfants, les plus démunis des démunis, qui n’ont même pas eu les plus petits moyens nécessaires pour quitter la ville ! Depuis l’effondrement du gouvernement central en 1991, la Somalie est de nouveau ravagée par la violence. La mort continue à faucher à coup d’obus, de balles, d’IED (engin explosif improvisé), de maladies et de famine. Cette folie dévastatrice est permanente, la tension est extrême, la peur omniprésente. Plus aucun ressortissant occidental ne vit dans la capitale. Pour un photographe, travailler ici est étrange et très particulier. Pendant de longues heures, vous restez cloîtré à l’hôtel et, tout d’un coup, vous sortez sans jamais savoir ce qu’il va arriver. Il faut travailler très vite, vous ne pouvez guère rester plus d’un quart d’heure dans le même lieu.

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La tension est toujours très forte, vos gardes du corps, votre « fixer », les gens que vous rencontrez sont tendus à l’extrême. Les gens vous disent toujours : « Merci d’être venu, mais s’il vous plaît, ne restez pas ! Partez, sinon vous risquez d’attirer le déluge sur nous. » Les risques d’assassinats et d’enlèvements sont constants. (Deux journalistes, Amanda Lindhout et Nigel Brennan, ont été enlevés le 23 août 2008 sur la route d’Afgoye, dix minutes après mon passage au même endroit, et sont malheureusement toujours détenus à l’heure qu’il est.) La Somalie est dans un état critique, semble même moribonde, mais personne ne sait que faire pour venir à son chevet. Chaque fois que je viens visiter ce pays meurtri, la même question, posée surtout par les jeunes, m’y attend : « Pourquoi nous a-t-on laissés tomber ? » Ce pays est abandonné de tous, sauf des adeptes du wahhabisme (islam sunnite rigoriste) qui soutiennent les groupes extrémistes islamistes. La vie en Somalie est extrêmement dure, extrêmement violente et extrêmement courte. Les magazines Geo et National Geographic ont eu le courage – et fourni les moyens – de produire des reportages de fond sur la Somalie. C’est de là que proviennent les images exposées ici. En février 2009, lors de mon reportage pour National Geographic, une immense tristesse m’a envahi au moment du départ. Sachant que je n’allais plus retourner en Somalie avant longtemps. Sachant qu’à mon tour, j’étais sur le point d’abandonner les Somaliens.

Pascal Maitre

Photos prises en septembre - octobre 2002 et mai 2006 pour Geo Magazine Photos prises en mai – août - décembre 2008 pour National Geographic

Pascal Maitre

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