En 1917, à son retour d’Afrique du Sud, Gandhi menait son premier combat en faveur des déshérités, en organisant la lutte des petits paysans du Bihar contre les grands propriétaires terriens anglais. Après plusieurs mois de confrontation, il obtenait gain de cause pour les agriculteurs, expérimentant au passage la méthode de lutte non-violente qui sera sienne désormais, l’ahimsa. Il y gagnera également son titre de Mahatma, « grande âme ».

Quatre-vingt-dix ans après ce combat précurseur, rien n’a vraiment changé dans cet Etat rural du nord-est de l’Inde, l’un des plus pauvres du pays. La canne à sucre a remplacé l’indigo, mais la terre est toujours soumise aux féodaux qui ont contourné la réforme agraire instaurée depuis les années soixante. Les intouchables (Dalits), les basses castes et les aborigènes (Adivasi) subissent encore l’oppression des puissants et sont réduits à l’état de quasi-servage par les hautes castes. Exploités pour des salaires de misère, ils ne parviennent pas, malgré l’aide d’associations néo-gandhiennes prônant la redistribution des terres, à faire respecter le droit du sol.

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Dans le sud du Bihar, les richesses minières du tout nouvel Etat du Jharkhand ont attiré la convoitise d’un autre genre d’exploiteurs. Les multinationales s’installent sans vergogne sur les terres des aborigènes. Chassés de leurs territoires ancestraux, coupés de la forêt nourricière, les Adivasi sont poussés à l’exil vers les Etats voisins. Ceux qui choisissent de s’accrocher à leur village survivent en marge de cette société indienne dont on a tant vanté, ces dernières années, le développement accéléré.

Pire encore, au Chhattisgarh, Etat frontalier du Jharkhand, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux se languissent dans des camps de déplacés, victimes de la guerre brutale entre la guérilla naxalite et la police. Né au Bengale en 1967, ce mouvement de lutte armée contre le féodalisme et l’impérialisme a engagé avec le gouvernement indien un bras de fer sans merci.

Pris dans la spirale de violence qui oppose les deux camps à coups de meurtres, rapts, pillages et destructions de villages, les Adivasi et les Dalits n’ont d’autre ressource, une fois encore, que d’abandonner leurs terres. Misère, illettrisme et violence, voici le quotidien de l’Inde d’en bas. Une Inde hors-la-loi, loin des idéaux du prophète de la non-violence.

Marie Dorigny

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