Cette phrase fataliste pourrait résumer la situation du Mexique. Ou encore cette blague racontée par les Mexicains eux-mêmes : « Savez-vous pourquoi le Mexique n’est pas le pays le plus corrompu du monde ? Parce qu’il paie pour être le second… »

Depuis que Felipe Calderon a déclaré, il y a deux ans, une guerre frontale aux narcotrafiquants, le Mexique est plongé dans une véritable guerre civile. Le conflit a déjà fait près de 9 000 morts parmi les narcos, policiers et civils. Les Mexicains parlent d’une narco-insurrection généralisée.

L’augmentation des exécutions sommaires entre gangs est le résultat d’un trafic perturbé par la présence de l’armée : des chefs sont arrêtés, leurs places sont à prendre, les gangs appartenant aux cartels de la drogue s’entretuent pour conquérir de nouveaux territoires.

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Les villes frontières Tijuana et Ciudad Juarez sont en état de siège. Les cartels s’y affrontent avec une rare cruauté pour le contrôle stratégique des routes de la drogue vers la Californie et le Texas.

Face à cette explosion de violence, les États-Unis craignent que le Mexique ne soit en train de se transformer en narco-État.

La capacité de corruption des cartels est sans limites et sévit à tous les niveaux de la société : petits délinquants et tueurs à gages sont à leur solde, mais aussi policiers, soldats, hauts fonctionnaires, et même certains élus.

Le pire scénario que redoute le gouvernement mexicain serait une alliance des deux plus puissants cartels : celui du Golfe avec celui de Sinaloa. À eux deux, ils disposeraient d’une véritable armée de 100 000 soldats. La narco-terreur qui règne actuellement au Mexique passerait d’un gangstérisme traditionnel de truands féroces à un terrorisme de paramilitaires aux méthodes de guérilleros.

Mais à quoi sert vraiment ce spectaculaire déploiement militaire si le gouvernement ne s’attaque pas aux racines du mal ?

Depuis l’entrée en vigueur de l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain) en 1994, la culture de drogues a explosé dans les zones de pauvreté extrême (24 millions de personnes). Alors que l’Alena annulait les aides au monde rural, les narcos apportaient semences et tracteurs aux paysans. Quatorze millions d’hectares sont aujourd’hui occupés par la culture de la marijuana et de l’opium.

Jérôme Sessini

« Pour l’instant, la violence, le sang et les morts sont pour nous, les Mexicains, mais quand le chaos passera de l’autre côté de la frontière, les USA prendront alors conscience que cette fois une guerre se déroule devant leur porte, et non pas à des milliers de kilomètres, en Irak ou en Afghanistan. »
Luis, journaliste à Ciudad Juarez.

Jérôme Sessini

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