« Je veux chanter pour ceux qui sont loin de chez eux et qui ont dans les yeux quelque chose qui fait mal… ». « Il y a quelques années, un ami afghan, installé en France m’avait envoyé cette chanson », raconte Amad, ex-professeur de français au lycée Estiqlal de Kaboul, et actuellement hébergé dans le centre de Sangatte. « À l’époque, je ne comprenais pas ce que cela voulait dire. Aujourd’hui, je sais ».

Comme Amad, des milliers de migrants quittent leur pays pour des raisons politiques ou économiques. En quête d’asile, ils fuient des situations devenues invivables. Depuis 3 ans, près de 50 000 d’entre eux ont transité par le centre d’accueil de la Croix-Rouge situé à deux pas du petit village de Sangatte, près de Calais. Ils viennent en majorité d’Afghanistan, d’Irak ou d’Iran.

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Attirés par les conditions de vie très avantageuses des demandeurs d’asile en Angleterre, ou tout simplement échoués à l’extrémité de l’Union européenne après s’être fait rejeter d’un Etat à l’autre, ils tentent par tous les moyens de traverser la Manche. Soucieuse de préserver son équilibre économique, la Grande-Bretagne fait désormais pression sur le gouvernement français pour qu’il empêche les migrants de pénétrer sur son territoire après avoir longuement profité de ces travailleurs à moindre coût.

La France, « diplomate », accepte de multiplier les contrôles pour satisfaire les exigences de l’Angleterre. Il ne s’agit cependant que d’une vigilance de façade : les autorités françaises espèrent bien que la plupart des étrangers finiront par passer. De même, elles ne proposent aucune alternative, omettant volontairement d’informer les migrants sur les possibilités d’asile de la France, et refusant d’augmenter ses capacités d’accueil.

Depuis quelques mois, l’ambiance générale à Sangatte ne cesse de se dégrader. Des bagarres éclatent nées de la tension d’une attente de plus en plus longue, la traversée devient très aléatoire et périlleuse (depuis le début de l’année, 12 personnes ont perdu la vie lors de leur tentative de passage) et le recours aux passeurs apparaît de plus en plus nécessaire, favorisant la création de véritables réseaux mafieux. L’Europe entière est responsable de toutes ces dérives tant que ses membres n’arriveront pas à s’entendre sur une politique commune et qu’ils continueront à ignorer l’existence de ces êtres humains.
Photos prises en août 2001 et mai 2002.

  • Paroles extraites de "Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux", paroles et musique originales Michel Berger, 1986.

Olivier Jobard

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Olivier JOBARD
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