Par une journée caniculaire du mois de mai 1963, à Birmingham, dans l’Alabama, une porte de prison met fin à ma carrière de photojournaliste. Depuis cinq jours, je couvre les événements tragiques et violents que l’on appelera plus tard les émeutes de Birmingham. Mon grand reportage pour le magazine LIFE comporte des images violentes, des images importantes qui vont participer à la prise de conscience par les Américains des droits des Noirs dans les États du Sud, mais aussi de la réalité de notre pays démocratique.

Ces photos, qui montrent des hommes, des femmes et des enfants repoussés à l’aide de tuyaux d’incendie, écoeurent l’Amérique. Le cinquième jour, le commissaire divisionnaire Bull Conner décide de m’arrêter ainsi qu’un autre journaliste de Life, Michael Durham, pour refus d’obtempérer. Nous sommes détenus dans la prison d’où Martin Luther King écrivit sa “Lettre d’une prison de Birmigham”. Plus tard, un magistrat rend un arrêt de non-lieu.

moore1.jpg
moore2.jpg

Ma première rencontre avec Martin Luther King a lieu en 1958, dans son église de Dexter Avenue à Montgomery, capitale de l'Alabama. A cette époque, je travaille pour un journal local dont je deviendrai plus tard le photographe en chef. Je suis très impressionné par cet homme d'envergure ainsi que par sa grande éloquence. Rapidement, je comprends que des événements importants sont en passe de se produire, et je tiens à les vivre en direct.

Un jour, je vois un Blanc frapper à la tête une femme Noire à l'aide d'une batte de baseball, alors qu'un autre Blanc s'attaque à une Noire à coups de poing sur la tête. La photo que je prends fait la une du journal et est aussi publiée par Life Magazine. À partir du moment où je m'intéresse au mouvement pour les droits civiques, je décide que, par mes images, je me dois de montrer la violence dirigée contre les gens de couleur dans mon État, l'Alabama, mais aussi ailleurs, ainsi que le courage dont les Noirs font preuve en suivant Martin Luther King et en descendant dans la rue pour manifester pacifiquement pour leurs droits en tant que citoyens des États-Unis, et en tant que citoyens, respectueux des lois, des États du Sud. La nuit de violence qui éclate à l'Université du Mississippi, le Bloody Sunday… la première tentative de marche depuis Selma jusqu'à Montgomery, qui tourne au drame… Je fais partie de la marche finale qui atteint Montgomery… les chiens policiers et les tuyaux d'incendie utilisés pour repousser les manifestants à Birmingham… l'assassinat de trois jeunes défenseurs des droits civiques dans le Mississippi.

J'abhorre la violence; cependant, je suis fier de m'être servi de mon appareil photo pour montrer cette violence, pour réveiller mes concitoyens et les aider à comprendre que la haine et la discrimination sont autant de maux à combattre. C'est la ligne de conduite suivie par l'éminent photographe James Nachtwey qui a révélé au monde entier des images parfois insoutenables, et c'est également celle de mon ami Michael 'Nick' Nichols qui illustre la violence faite à ces splendides animaux qui peuplent la planète.

"Powerful Days" : voilà comment Martin Luther King décrit dans l'un de ses discours ces journées -- des journées qui marqueront la nation. J'ai choisi cette phrase comme titre pour mon ouvrage publié par University of Alabama Press.

Charles Moore

portrait_moore.jpg
Mickey Welsh / The Montgomery Advertiser, via Associated Press
Voir les archives