Quatre batailles pour une même guerre, quatre territoires, quatre villes symboles, une multitude d’acteurs, locaux, régionaux, internationaux ; un seul ennemi : l’État islamique.

Autoproclamé en juin 2014 à Mossoul, deuxième ville d’Irak qui venait de tomber entre leurs mains sans coup férir ou presque, le « califat » est alors au faîte de sa puissance. Les djihadistes contrôlent un territoire grand comme le Royaume-Uni. À la tête d’un arsenal considérable pris à l’armée irakienne, ils voient des milliers de volontaires arriver du monde entier.

Les djihadistes fondent alors sur Kobané, petite ville syrienne collée à la frontière turque, que contrôlent des Kurdes pro-PKK qui ont profité de la décomposition du pays pour créer leur province quasi autonome : le Rojava. Lorenzo Meloni s’y était déjà rendu. Il y revient pour suivre une résistance farouche contre un ennemi implacable. Contre toute attente, les Kurdes tiennent. Les djihadistes piétinent, puis reculent, et enfin, en janvier, abandonnent Kobané. Première grande défaite de l’État islamique depuis la prise de Mossoul.

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Ils se tournent alors vers le sud : Palmyre, la grande oasis du désert, cité légendaire. L’EI s’en empare en mai 2015. Le régime syrien et ses alliés, iraniens et russes, engagent une laborieuse contre-attaque alors que le site archéologique est méthodiquement pillé et dynamité. Meloni est l’un des rares photographes indépendants à s’y rendre en avril 2016. Les ruines modernes se superposent aux ruines antiques. Le régime syrien perd Palmyre, la reprend à nouveau. Conquête fragile.

L’État islamique s’exporte. Les djihadistes s’emparent de Syrte en 2015 et font du fief du colonel Kadhafi – c’était sa ville de naissance – leur capitale d’Afrique. Dans ce pays qu’il connaît depuis longtemps, des frontières sud jusqu’à ses prisons, Meloni couvre la contre-attaque soutenue par les forces de la coalition occidentale anti-EI. Victoire incertaine, dans un pays en miettes.

C’est en Irak, là où il est né, que l’État islamique se voit le plus âprement combattu, notamment dans la mère des batailles contre les djihadistes : Mossoul, plus grande guerre urbaine de l’histoire récente. Après une longue reconquête, les forces irakiennes arrivent aux portes de Mossoul en novembre 2016. À l’heure où ces lignes sont écrites, en mai 2017, les djihadistes résistent toujours.

En couvrant ces quatre batailles, Lorenzo Meloni offre le point de vue unique de quatre échos d’une même guerre. Il laisse voir combats et ruines, la fureur et les silences. Ces silences qui s’abattent sur des lieux où déjà il n’y a plus de bruits de voix, de circulation, de radio, de télé, de sonneries. La guerre chasse la vie. Qu’elle cesse un instant, et le silence s’installe, assourdissant comme une nuit profonde.

Le jour est encore lointain.

Samuel Forey, correspondant du journal Le Figaro en Irak

Exposition coproduite par la Fondation Photographic Social Vision.

Lorenzo Meloni

Né en Italie, 1983

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© Giulio Piscitell
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