Il y a quelques années, nous avons pu découvrir à Visa pour l’Image le travail monumental de la photographe Lizzie Sadin sur les jeunes en conflit avec la loi : près d’un million dans le monde. Le public, déjà secoué par la situation des détenus mineurs dans les prisons aux États-Unis, en Russie et en Israël, terminait l’exposition choqué par les conditions d’emprisonnement à Madagascar.

Son travail m’a beaucoup marqué et j’ai commencé à faire des recherches sur la situation des jeunes dans les prisons africaines. S’il y avait des informations écrites, il n’existait, par contre, que très peu de témoignages photographiques.

Rompre le silence autour de ces mineurs emprisonnés à travers un reportage pertinent : c’est ce que j’ai tenté de faire avec ces photographies de jeunes dans les prisons de Sierra Leone et du Soudan.

Dès le début de ce projet, j’ai pris contact avec des organisations travaillant en relation avec les prisons : je n’ai reçu que des réponses évasives, négatives, ou tout simplement des silences. Le bureau de presse d’Amnesty International Espagne n’avait pas d’informations sur les mineurs dans les prisons africaines.

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J’étais à Visa pour l’Image lorsque j’ai obtenu la bourse photographique Revela pour réaliser le projet sur les jeunes détenus en Afrique. Au début, cette nouvelle ne m’a pas vraiment réjoui : je n’étais pas sûr de pouvoir mener à bien ce travail et ne savais pas par où commencer. Après des mois de recherches, la photographe Glenna Gordon m’a mis en contact avec une université qui était en train de faire une étude sur le système judiciaire et pénitentiaire en Sierra Leone.

Mon arrivée dans la prison centrale de Freetown a été dure, j’avais peur : un Blanc avec un appareil photo seul face à 1 300 détenus vivant dans des conditions terribles, et des gardiens peu nombreux et désarmés. La plupart des détenus sont là depuis très longtemps, dans l’attente de leur jugement. Les peines imposées sont terribles et l’absence d’assistance judiciaire les jette dans cet enfer pendant des années. Les mesures d’hygiène sont inexistantes, la nourriture et l’eau sont rares. La lutte permanente pour la survie provoque tensions et violences. Comme si cela ne suffisait pas, les jeunes sont victimes de la violence exercée par les détenus adultes. Steven Lebbie a été emprisonné en 2009, accusé d’avoir volé deux brebis. En février 2010, je l’ai photographié, le regard perdu. Deux mois plus tard, il est mort d’une infection, en prison. Il avait 17 ans. Il n’avait jamais reçu de visites.

Au fur et à mesure, j’ai gagné la confiance des détenus grâce à mon ancien travail d’infirmier ; ils m’expliquaient de quoi ils souffraient et j’essayais de les aider en faisant rentrer des médicaments. Je prenais des photos de leurs symptômes que j’apportais ensuite aux pharmacies pour connaître le diagnostic et le traitement adéquat. Je dois dire qu’aucune des ONG que j’ai contactées n’a proposé de médicaments ou une quelconque aide pour ces personnes en situation de détresse.

La troisième fois que je suis allé à Freetown, j’étais accompagné du journaliste John Carlin, envoyé par El País Semanal pour réaliser un reportage. Nous avons eu la chance d’arriver au moment du jugement d’Abdul Sesay. Deux conditions étaient nécessaires à sa libération : deux personnes se portant garantes, et payer une caution de 60 euros. Au bout de quelques heures, Abdul était libre. Il a ainsi pu éviter de passer trois ans en prison. Abdul était jeune et, quelques mois auparavant, je l’avais rencontré dans l’unité des détenus préventifs, la plus dure. Ce jour-là, il n’avait ni mangé ni bu d’eau, trop faible pour lutter pour une ration de riz.

À partir de la publication du reportage dans El País, la petite ONG Free Minor Africa m’a contacté et nous sommes en train de chercher des fonds pour aider ces mineurs emprisonnés.

Fernando Moleres

Fernando Moleres

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