J’ai commencé mon reportage sur le virus Ebola pour le New York Times dès mon arrivée à Monrovia, le 22 août 2014. Au cours de quatre voyages au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, j’ai passé plus de cent jours à couvrir les conséquences de l’épidémie. J’ai pu voir les ravages causés par le virus, les innombrables victimes de tous âges, les populations déchirées, les moyens de subsistance anéantis, les rêves brisés et l’effondrement d’un système de santé déjà fragile.

Les équipes funéraires sillonnaient la capitale, premier environnement urbain touché par le virus. Escortées par des véhicules de police et des camions chargés de sacs mortuaires, ces équipes ramassaient les cadavres gisant dans les rues pour les incinérer à la fin de la journée. Les ambulances ne parvenaient pas à répondre à tous les appels, et certains malades devaient rejoindre les centres de traitement par leurs propres moyens, souvent accompagnés par des proches en taxi ou à moto, augmentant ainsi le risque de contagion. Les malades attendaient devant les centres submergés. Certains, trop faibles même pour y entrer, mouraient à leurs portes.

Je suis allé dans la jungle guinéenne, à la source de l’épidémie, dans le village de Meliandou, pour voir le père d’Émile, un petit garçon de deux ans décédé peu après avoir contracté le virus au contact d’une chauve-souris. J’ai parcouru les régions frontalières des trois pays touchés pour rencontrer les survivants et leurs familles. J’ai ensuite suivi l’itinéraire du virus en Sierra Leone et au Liberia, à travers les rivières et les sentiers de brousse le long de frontières poreuses.

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Impossible de ne pas être bouleversé, de ne pas se sentir impuissant, revêtu d’une combinaison de protection pour éviter d’être infecté, face à des malades incapables de marcher. J’ai été ému par le courage des familles et inspiré par le récit des survivants et des orphelins, mais aussi par ces travailleurs sanitaires qui n’hésitent pas à risquer leur vie. Toutes les personnes touchées par le virus, celles qui ont survécu et celles qui ont aidé, sont désormais stigmatisées par leurs propres familles et communautés.

Afin de mieux comprendre les questions sanitaires liées au virus Ebola, je me suis rendu avec un journaliste pendant trois semaines dans un centre de traitement d’une zone rurale du Liberia. J’ai pu y rencontrer le personnel médical et réaliser de nombreuses interviews. À l’aide de draps, j’ai improvisé un studio dans une hutte pour faire des portraits. Ces photos témoignent du dévouement et de l’engagement de ceux qui luttent avec courage contre le virus Ebola.

L’épidémie se poursuit aujourd’hui. Les familles ont renoncé à enterrer leurs proches selon les rites traditionnels, mais il reste beaucoup à faire pour contenir le virus et l’éradiquer définitivement de l’Afrique de l’Ouest. Le combat continue.

Le virus Ebola se nourrit de la nature humaine, de la compassion ; il se transmet d’un être cher à un autre, frappant ceux qui prennent soin des malades.

Daniel Berehulak

Daniel Berehulak

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© Victor Fraile / Power Sport Images
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