Les Mayas prient sous terre depuis avant la naissance du Christ. Ils s’aventurent dans les grottes à la rencontre de leurs dieux. Le monde souterrain représente vraiment beaucoup de choses pour les Mayas. C’est la source du vent et de la pluie, du blé ; c’est là que reposent les êtres chers disparus, et c’est là qu’est Xibalba – le lieu de la peur. Mais surtout, c’est un lieu de culte, on y pénètre le royaume des dieux. C’est en ce lieu, vénéré entre tous, que les Mayas se rendent depuis des siècles pour accomplir leurs rites sacrés. Encore aujourd’hui, la culture maya s’étend du sud du Mexique jusqu’au nord du Honduras et du Salvador. A son apogée, pendant la période classique (aux environs de 700 ap. J.C.), la région abritait au moins trois millions, peut-être même jusqu’à quatorze millions de Mayas. Ils bâtirent la plus complexe des sociétés de l’Amérique précolombienne. Leurs Etats-cités érigeaient de gigantesques temples pyramidaux, produisaient un art magnifique et raffiné, ils avaient conçu un système sophistiqué d’écriture et un calendrier astronomique fort complexe. Les grandes cités mayas ont été, pour la plupart, abandonnées avant l’arrivée des Européens. Pourtant le peuple maya existe toujours. Aujourd’hui, on estime à huit millions le nombre de Mayas qui vivent dans cette région.

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Lorsque j’ai entrepris ce projet, je l’envisageais comme une histoire sur l’archéologie, sur le passé. Mais au fur et à mesure que mon histoire prenait forme, je me suis aperçu que non seulement la religion Maya a survécu à de nombreuses tentatives d’éradication, mais qu’aujourd’hui, elle se développe. Les rituels rupestres se perpétuent. Les Mayas se rendent encore en pèlerinage dans leurs grottes ; ils continuent à descendre sous terre pour honorer leurs dieux, pour rendre visite aux morts, pour demander la pluie et une bonne récolte. Ils continuent de s’aventurer sous terre pour remercier leurs dieux. Lorsque j’ai constaté cela, j’ai compris que mon histoire devait concerner les huit millions de Mayas qui vivent aujourd’hui et leur religion, leur vision du monde qui continue de prospérer. Pour ce faire, il fallait que les Mayas me montrent leur monde. Dans les grottes, les rites peuvent être très personnels, très intimes. Ils ne sont pas organisés pour une « consommation » publique mais au contraire pour célébrer des croyances intimes et profondément ancrées. Il m’a fallu du temps pour me faire accepter, pour être autorisé à assister à ces rites. Malgré leur caractère réservé, les Mayas sont très fiers de leur héritage. Ils sont très fiers qu’il ait survécu. Les Mayas savent aussi que leur culture est menacée. Ses fondements sont sapés par le développement de l’économie mondiale et par la nouvelle vague de christianisme évangélique qui déferle sur l’Amérique latine. La religion Maya avait involontairement trouvé refuge au sein de l’église catholique. Au moment des grandes conquêtes, les Mayas ont facilement adopté le panthéon des saints catholiques, donnant à leurs dieux le nom de ces saints. A première vue chrétienne, la religion Maya a ainsi pu être préservée au sein même de l’église catholique. En règle générale, cette dernière s’est montrée tolérante, voire indulgente. Dans certains cas, des prêtres locaux ont même encouragé l’iconographie maya dans leurs églises. Or les évangélistes ne sont pas aussi compréhensifs. Pour eux, toute autre religion est l’œuvre du diable. Ils ont profané l’art rupestre maya vieux de plusieurs siècles et incendié des grottes qui servaient de lieux de culte. A Santiago Atitlan, j’ai photographié un pélerinage vers une grotte ; le prêtre qui guidait le cortège avait reçu des menaces de mort de la part d’évangélistes locaux. Les Mayas attachés à leurs traditions comprennent qu’ils sont assiégés. Ils veulent préserver leurs croyances. Par ces photographies, j’ai tenté de préserver cette tradition. Elles montrent ce que j’ai vu pendant les mois passés à parcourir l’Amérique Centrale, à rencontrer des chamans et des prêtres mayas, essayant de voir leur monde à travers leurs yeux. Ces photos n’auraient pas pu exister sans le généreux concours du National Geographic Magazine. La revue m’a donné le temps dont j’avais besoin pour découvrir et me faire accepter par des sujets méfiants. Sa réputation m’a ouvert bien des portes.

Stephen Alvarez

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