Olivier Coret n’a pas trouvé d’ombres au pied du mur. Je le sais pour l’avoir vu rentrer souvent le soir à Jérusalem, presque à chacun de ses quatre voyages, le visage rougi par le soleil ou les gaz qu’envoient les militaires israéliens pour disperser les manifestants palestiniens qui tentent de s’opposer à cette nouvelle frontière qui les coupe d’eux-mêmes, de leurs familles, de leurs champs et les installe dans des forteresses obligées. Olivier y a passé des heures, des journées, des soirées, des semaines ici ou là-bas, aux confins de la Cisjordanie. Il en connaît le tracé par coeur ce qui l’autorise à dire: “Je n’y vois qu’une manière d’officialiser les frontières des colonies, de les annexer à Israël, et d’enclaver les palestiniens dans une Cisjordanie invivable”. Ce qu’il a vu c’est exactement ce qu’il montre. Je crois que rarement, en aussi peu de temps, un mur a jamais été autant photographié. Pourtant, même construit au nom de la sécurité des Israéliens, il n’a rien de photogénique. Certains photographes en ont utilisé les aspects graphiques, d’autres sa présence dominante, Olivier l’a photographiée à l’échelle humaine. Il a choisi un format 6X6 ou 6X7 pour montrer l’enfermement.

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Mais dans ces "cages", les personnages ont leur place, jamais dans la démesure. On voit les contraintes que ce mur impose. On comprend que l'exode sera parfois la seule alternative. On voit comment tout à coup le coeur d'un village peut en devenir l'extrémité et se mettre à pourrir. Et l'on se souvient que ce village pourrissant est un des berceaux de la civilisation. On déplore, dans ces images, que l'expression "Faire le mur" ait perdu toute sa poésie pour des écoliers. Les enfants sont touchés. Ils grandiront mal. Olivier a aussi vu des hommes mourir pour s'être dressés contre cette barrière. Rarement, mais il y en aura d'autres, en faut-il plus ? Coret dit qu'il y a peu de résistance. L'ouvrage qui à certains endroits atteint 8 mètres de hauteur écrase tout, surtout la volonté de ceux qui le subissent. C'est pour cela qu'il faut des photos, des photographes, des témoins extérieurs.
Olivier a la force, la patience et l'envie de montrer la violence du béton et des barbelés, l'absurdité d'une entreprise humaine contre la vie des Hommes, l'incongruité de ce mur, incomparable, mais voué à disparaître comme tous ceux de la même espèce qui l'a précédée. Olivier ne sait ni quand, ni comment, mais même si cela prend des années et des vies, il voudrait être là, pour voir sa chute. La cour internationale de justice a jugé illégale la construction de ce mur.

Caroline Mangez

Commande du Centre National des Arts Plastiques - Ministère de la Culture et de la Communication.

Olivier Coret

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