J’ai abordé cette guerre, en ma qualité de photographe russe travaillant pour Time Magazine, avec la conviction plus ou moins ferme qu’il s’agissait d’une lutte du bien contre le mal. J’avais déjà passé plusieurs mois à parcourir l’Irak et avais été le témoin de l’oppression du régime de Saddam Hussein. Lorsque la guerre s’est déclarée en mars 2003, je travaillais depuis Bagdad et n’ai pas eu le privilège de me déplacer en char Abrams ou dans le cockpit d’un étincelant chasseur américain. Alors, je me suis déplacé de ruine en ruine et d’une tragédie humaine à l’autre. Ma vision initiale des bons qui triomphent des méchants s’est peu à peu estompée jusqu’à disparaître tel un mirage dans le désert.

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Me voici aujourd’hui, plus vieux de deux ans, deux ans de guerre, et pourtant pas plus éclairé quant au combat du bien contre le mal. Je sais que dans les deux camps on pense se battre contre le mal, or j’ai vu les deux se rapprocher des ténèbres. Tuer ne rend personne meilleur. Les motifs des premières heures n’ont plus aucun sens au bout d’un moment car la guerre est brutale. J’ai pris des centaines, si ce n’est des milliers de clichés montrant la misère humaine, le dénuement, la tragédie et la mort dans cette guerre, sans vraiment découvrir qui est le bon et qui est le vertueux. Je ne suis même plus très sûr que le bien combatte le mal. Lorsque je regarde l’écran de mon ordinateur portable en fin de journée, tout ce que je vois c’est le mal luttant contre le mal, dans un corps à corps mortel et avec pour seule victime la bonté humaine.

Yuri Kozyrev

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© Mari Bastashevski
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