Eddie Adams, lauréat du prix Pulitzer en 1968 pour sa célèbre photographie de l’exécution d’un soldat viêt-cong dans une rue de Saigon, s’est éteint l’année dernière dans son atelier, à New-York. Il avait 71 ans et restera dans les mémoires comme l’auteur de cette incroyable photo « qui a aidé à mettre fin à la guerre du Vietnam ». Elle a aussi valu à Eddie le type de renommée dont jouissent généralement les stars du cinéma ou les chefs d’Etat. Eddie Adams est né et a grandi à New Kensington, en Pennsylvanie. Il a commencé sa carrière en photographiant des mariages pour son journal lycéen, puis a travaillé pour le quotidien Kensington Daily Dispatch avant de servir dans les Marines pendant trois ans comme photographe militaire pendant la guerre de Corée. Eddie était un homme courageux et cette expérience l’a marqué à vie. Je n’ai jamais vu Eddie avoir peur de quiconque ou de quoi que ce soit et lorsqu’il a découvert qu’il était atteint de sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée maladie de Lou Gehrig, Eddie a décidé de passer les derniers mois de sa vie à rassembler ses photographies, installé dans son atelier, entouré de ses amis photojournalistes, préparant le prochain « Barnstorm » d’Eddie Adams. A aucun moment je n’ai entendu Eddie se plaindre de sa santé ou s’apitoyer sur son sort.

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J’ai rencontré Eddie alors que j’étais directrice de l’agence de photos Sygma à New York et Eddie était déjà un personnage-culte. Pour moi, il était avant tout un grand artiste qui ne se laissait pas facilement impressionner, aussi à l’aise avec des enfants malades, des vedettes du cinéma, des pauvres qu’avec les sept présidents des Etats-Unis qu’il a photographiés, et il se sentait à son aise tant dans son atelier pendant des prises de vue de mode que sur un champ de bataille. Les photographies d’Eddie ont fait plus de trois cent cinquante fois la couverture de Time Magazine, Vanity Fair, Parade. Il a collaboré à Associated Press. Il faisait aussi des photographies publicitaires, commerciales et de mode, mais à mes yeux, il restera le meilleur photojournaliste de sa génération, celui qui ne ratait jamais l’image déterminante qui révèle tout. Nombreuses sont les photos d’Eddie qui ont eu un impact considérable et ont changé la politique américaine à jamais. « L’exécution de Saigon » montre le général sud-vietnamien, Nguyen Ngoc Loan, tirant une balle dans la tête d’un prisonnier viêt-cong menotté. Des années plus tard, Eddie se souvenait de la scène très clairement ; il pensait que le général allait interroger le prisonnier. Lors de sa parution, cette image bouleversa le monde et retourna l’opinion publique contre la guerre. Pourtant Eddie était surtout fier de sa photo de 1979, « Le bateau sans sourires », qui montre une cinquantaine de Vietnamiens, surtout des femmes et des enfants, sur un bateau de pêche, fuyant leur pays. Cette photographie a conduit le Président Carter à accorder le droit d’immigrer aux Etats-Unis aux réfugiés vietnamiens. En quarante-cinq ans de carrière, Eddie a été primé plus de cinq cents fois pour son travail de photojournaliste. Pourtant, jamais très sûr de ses talents de conteur, il disait toujours qu’il « espérait saisir cette image unique qui révèle une vérité immédiate tout en exprimant une vérité plus large . » C’est ce que tu as fait, Eddie, tout au long de ta vie.

Eliane Laffont

Eddie Adams

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