Le diamant est du carbone qui s’est cristallisé après être resté sous pression pendant des millions d’années. Ces cristaux remontent à la surface pendant les éruptions volcaniques. Certains retombent dans la cheminée du volcan et forment les brèches diamantifères appelées kimberlite. D’autres se répandent sur une vaste superficie grâce à l’érosion et aux crues et on les trouve dans le lit des rivières ou juste sous la surface de la terre. Dans les années 90, j’ai réalisé un certain nombre de reportages photo pendant les combats au Zaïre (aujourd’hui appelé République démocratique du Congo), en Sierra Leone et en Angola, conflits souvent ignorés et considérés comme de simples luttes intestines, derniers relents de la guerre froide. Pourtant, ces conflits sont progressivement devenus une véritable lutte pour s’approprier les matières premières.

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En Angola et Sierra Leone, les gisements de diamants étaient essentiellement contrôlés par les rebelles. Les diamants bruts leur permettaient d’acheter des armes. Les gouvernements au pouvoir n’ont pas tardé à leur emboîter le pas et les expressions « diamants du sang » et « diamants de conflits » ont ainsi fait leur apparition. A l’époque, j’ai réalisé plusieurs reportages sur ce sujet sans toutefois pouvoir photographier tous les maillons de la chaîne ; tant les rebelles que les négociants se montraient très méfiants.

Et puis, plusieurs groupes militants ont commencé à alerter l’opinion publique et des pressions ont été exercées sur l’ensemble de la filière, y compris les autorités productrices et négociatrices, pour qu’elle coopère et participe à un système de certification visant à garantir que seuls les diamants ne provenant pas de conflits seraient commercialisés. Soucieuse de préserver son image, la filière s’est inclinée face aux exigences de l’opinion publique et a entamé des négociations avec les autorités compétentes et les groupes de pression tels que Fatal Transactions. Cette démarche a donné naissance à l’accord de Kimberley signé fin 2002 par un grand nombre de pays exportateurs et importateurs. Cet accord a permis de mettre un frein à la contrebande et de rendre la filière plus transparente. Aujourd’hui, ces pays africains vivent, en grande partie, en paix et les mouvements rebelles ne jouent plus aucun rôle officiel dans l’exploitation des diamants.

Pourtant, les conditions de travail restent déplorables. Les bénéfices sont colossaux mais les populations locales n’en voient pas la couleur. Les compagnies minières obtiennent de vastes concessions qui leur permettent de mieux contrôler les échanges commerciaux mais qui privent les autochtones de leur gagne-pain. Ils sont chassés de leurs terres sans grande contrepartie. Qui plus est, les habitants de ces régions ont toujours travaillé à l’extraction de diamants et ignorent tout de l’agriculture. Ils ne peuvent donc en aucune manière profiter des richesses qui gisent sous leurs pieds ; pis, ils sont déclarés hors la loi. La société est menacée de destruction.

Dans l’idéal, la logique voudrait qu’on instaure désormais sur l’ensemble de la filière, le concept de « commerce équitable » avec un partage des bénéfices à tous les échelons et le respect absolu des droits des travailleurs. Aujourd’hui, la filière subit de fortes pressions. Jusqu’à récemment, l’entreprise sud-africaine De Beers, qui appartient aux Oppenheimer, possédait le monopole du marché et ce, depuis des décennies. Elle était donc en position de dicter ses prix. Or, les réserves de diamants de par le monde se sont révélées plus abondantes que prévu et les Israéliens sont devenus des concurrents redoutables. Au vu de la richesse de ces réserves, un effondrement du marché et des prix n’est pas à écarter et n’avantagerait personne dans cette filière. La grande distribution et le commerce sur Internet cassent déjà les prix. De plus, on produit aujourd’hui des diamants synthétiques que l’on ne peut guère distinguer des diamants authentiques.

Les pays africains pâtiraient d’un tel effondrement du marché. Des dizaines de milliers de personnes dans ces pays vivent (bien que chichement) de l’industrie du diamant. Les ressources minières des pays ébranlés par les conflits sont un réel espoir pour leur reconstruction et leur développement économique, à condition, bien entendu, que ce soit sous le sceau de l’honnêteté.

Il y a un an, j’ai décidé de retourner dans ces pays africains et, en coopération avec l’institut néerlandais pour l’Afrique australe, de suivre la filière du diamant de l’extraction jusqu’au consommateur final. Ce reportage photographique présente les financements, les conditions de travail, les négociants et ceux qui profitent réellement de cette industrie.

Commande du Centre National des Arts Plastiques - Ministère de la Culture et de la Communication.

L'exposition "Diamond Matters" a été réalisée en collaboration avec: NiZA (Institut neerlandais pour l'Afrique australe), Fatal Transactions, West Africa Witness,

Cette exposition a bénéficié du soutien financier de : NOVIB (Oxfam Netherlands), CARE, Stichting DOEN, NCDO, Plan, Développement et Paix, FNV Mondiaal, L'Union Europeene

Kadir van Lohuizen

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