Lauréat·e : Visa d'or de la Ville de Perpignan Rémi Ochlik 2010

Haïti Tout a été dit sur Haïti : l’horreur des cadavres gonflés, les corps bloqués sous les décombres, et l’impuissance face à un cataclysme sans précédent. Mais au-delà du choc, il y a aussi le courage des Haïtiens face au chaos. Là-bas, les victimes sont davantage occupées à survivre qu’à se plaindre de leur condition. D’ailleurs, celle du voisin est souvent pire. J’ai le souvenir marquant d’un homme qui, ayant perdu sa femme et ses quatre enfants quelques jours auparavant, a fini la discussion en rigolant de la situation. Comment trouver la force de sourire lorsque le monde s’écroule autour de soi ? La réponse est toujours la même : « Nous, on a la chance d’être vivants ». Quant à la « reconstruction », ce soi-disant « nouveau départ » appelé par tous, des mois après le désastre, les Haïtiens l’attendent toujours. Et pourtant, depuis des décennies, des centaines d’ONG travaillent dans ce pays. Une présence décuplée par le séisme du 12 janvier. Mais le travail formidable de certains ne doit pas faire oublier les dérives d’une action humanitaire mal coordonnée. Amputations non justifiées, distribution alimentaire militarisée et aujourd’hui semences OGM diffusées par Monsanto aux agriculteurs dans le besoin. Je suis retourné deux fois à Haïti depuis que la terre a tremblé, et la seule évolution que j’ai vue est celle de l’augmentation des camps de déplacés. On parle de reconstruction, de milliards de dons, mais la capitale est déjà reconstruite, en vastes camps de déplacés, en bidonvilles. La vie s’est organisée dorénavant comme cela. Tout le monde donne son point de vue sur l’avenir de ce pays ; il est grand temps que les Haïtiens ne s’en remettent qu’à eux-mêmes pour créer le leur.

Corentin Fohlen

Une partie du sujet a été réalisée en commande pour le magazine La Vie.

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Bangkok Un autre pays, un autre combat. David contre Goliath. Des paysans armés de lance-pierres, de pétards, de fusées d’artifice. Des armes dérisoires face aux mitraillettes, aux chars et aux hélicoptères de l’armée thaïlandaise. Des milliers de pneus enflammés pour fabriquer un rideau de fumée et éviter les snipers postés sur les toits des buildings. Ces buildings qui faisaient la fierté de cette capitale touristique qu’on avait voulue modèle, clinquante, brillante. Mais ironie de l’histoire, pendant quelques semaines, le quartier d’affaires a appartenu aux « rouges », ces paysans venus pour la plupart du nord du pays pour réclamer la démission du gouvernement. La dernière semaine de l’occupation, la tension grimpe entre les « chemises rouges » et l’armée, qui décide de les déloger. Quelques jours avant l’assaut final, les balles sifflent sur les barricades. Quand un homme s’effondre, c’est à chaque fois la même ardeur pour lui venir en aide. Le même courage aussi, car il en faut pour aller chercher sous les balles son camarade de lutte. Ces hommes risquent leur vie, rampent à même le goudron pour gagner quelques mètres. Ils se redressent et lancent un pétard… qui explosera à une dizaine de mètres, trop loin des soldats. Rien que du dérisoire, mais la force du symbole, toujours. Tout est là. En montant dans les bus qui les ramèneront chez eux, après l’évacuation du camp, les « chemises rouges » sourient et font le signe de la victoire. Le symbole, toujours : ils ont gagné.

Corentin Fohlen Une partie du sujet a été réalisée en commande pour le magazine Stern.

Corentin Fohlen

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