Trente-six heures. C’est le temps moyen que les adolescents français passent par semaine devant les écrans. L’équivalent d’un travail à temps plein. Difficile pour les adultes de montrer l’exemple : nous consultons nos smartphones toutes les six minutes. Ainsi, en France, près de huit enfants sur dix possèdent au moins un appareil personnel.

Depuis les années Covid, la digitalisation de la société n’a jamais été aussi importante. Tous les domaines sont concernés : celui de la santé, de l’économie, du politique ou encore de l’éducation. Nos habitudes s’en retrouvent profondément bouleversées : de nos rapports aux autres à nos supports d’information en passant par nos modes de consommation, les outils numériques se sont installés durablement dans notre quotidien.

Pire, plus besoin de plonger dans les bas-fonds du Net pour rencontrer l’horreur. Aujourd’hui, nous sommes à quelques clics seulement d’un monde virtuel où se retrouvent au même niveau l’amour et la pornographie, l’information et le complotisme, la justice et la délation, le poète et l’influenceur. Le tout propulsé en continu par la force des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos et de jeux en ligne.

Pour les jeunes Français, cette évolution n’est pas sans conséquence sur leur santé, leur développement psychique et leur sécurité face notamment aux risques de cyberharcèlement et de mauvaises rencontres. Oui, aujourd’hui les écrans et les applications éduquent nos enfants, les amusent, les calment, les aident à s’endormir… mais à quel prix ?

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Pour réaliser ce reportage, je me suis rendu dans plusieurs régions de France afin de comprendre la relation des enfants aux écrans dans leur quotidien. J’ai rencontré aussi leurs parents, souvent démunis face aux comportements addictifs de leurs enfants et aux discours contradictoires des politiques sur le sujet. En face : des géants du numérique qui investissent massivement et en continu pour remporter le graal du XXIe siècle : l’attention des enfants d’aujourd’hui et des adultes qu’ils seront demain. Un combat de David contre Goliath, où même la justice peine à donner gain de cause aux jeunes qui en sont victimes. Enfin, je suis allé à la rencontre des professionnels de santé qui viennent en aide aux jeunes tombés des étoiles promises par le monde Internet. Leur quotidien : des cas de revenge porn, des vidéos de fellations faites par des filles de 13 ans filmées dans des caves ou des parkings, des images d’automutilation, des appels délirants de crises de paranoïa ou encore des appels pour tentatives de suicide d’enfants de 9 ans.

Cette exposition met en images le portrait d’une génération d’« enfants d’intérieur », dont les mots ont souvent pour synonymes les maux de nos sociétés ultra-connectées.

Jérôme Gence

Je tiens à remercier toutes les personnes rencontrées au cours de ces quatre années de reportage. Romain Lacroix, rédacteur en chef photo de Paris Match, et toute son équipe pour leur confiance. Éric Valli, Jean-François Gallois, Erwan Sourget et Émilie pour leurs précieux conseils. Emmanuel Stock et toute l’équipe de Canon pour leur soutien depuis mes premières photos en 2016.

Les photos de ce reportage prises entre janvier 2022 et août 2022 ont été produites dans le cadre de la grande commande photographique « Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire », financée par le ministère de la Culture et pilotée par la BnF.

Jérôme Gence

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