Ghorban, né un jour qui n’existe pas
Olivier Jobard
Myop
Lorsque j’ai croisé le chemin de Ghorban en 2010, il avait 12 ans et dormait sous les ponts à Paris. J’ai vu un môme perdu qu’on a envie de prendre par la main, alors que ce petit homme venait de parcourir 12 000 kilomètres en clandestin depuis son Afghanistan natal.
J’étais sans voix. Il avait côtoyé seul la peur et les dangers des routes migratoires. Pour les avoir empruntées à travers l’Afrique, le Moyen-Orient et la mer Méditerranée, je savais combien elles étaient ardues. Les migrants survivent à des épreuves que bien peu d’adultes affrontent dans leur vie.
Ils étaient environ 4 000 mineurs isolés en France en 2010 et seraient aujourd’hui cinq fois plus nombreux. Comment ces enfants au vécu d’adulte construisent-ils leur vie et, par-delà, leur identité ? Que gardent-ils de leur passé quand ils sont plongés dans leur nouvelle culture ?
Ghorban était avide de témoigner, alors nous avons choisi, ensemble, de raconter son histoire. J’ai appris à le connaître et nous avons tissé des liens de confiance.
Preview
Quelques semaines après son arrivée à Paris, Ghorban est aidé par un militant qui lui trouve une place dans un foyer d’urgence. Un long et laborieux chemin d’intégration commence. Pour ses papiers d’abord : une erreur de traduction le fait naître un 31 novembre, un jour qui n’existe pas. Un grain de sable qui enraie la machine administrative pour des années.
Orphelin de père, arraché à sa mère et élevé pour garder le bétail, Ghorban n’a qu’une obsession : aller à l’école. Plus le temps passe dans son foyer sans étudier, plus Ghorban s’isole et se renferme. Alors ses éducateurs lui proposent d’aller consulter un psychologue de Médecins sans frontières. La documentariste Claire Billet et moi avons eu l’autorisation de filmer la plupart de ces séances de thérapie jusqu’en 2018. Des extraits accompagnent mes photographies, comme un fil rouge échappé de ce huis clos cathartique. Ghorban réussit à apprivoiser un passé fait de déchirement et d’abandon et comprend que sa mère ne l’a pas volontairement abandonné. En 2017, il décide de partir la retrouver.
J’ai accompagné Ghorban pendant huit ans, jusqu’à son entrée dans l’âge adulte.
*Olivier Jobard *
Avec le soutien à la photographie documentaire contemporaine du Centre national des arts plastiques