La fascination qu’exerce sur moi le Moyen Orient remonte aux années 70, lorsque j’étudiais le journalisme à l’Université du Minnesota. L’année où je découvris le travail d’Edward Steichen, responsable de ma passion pour la photographie, je tissai également des liens forts et mystiques avec le Moyen-Orient, plus précisément son histoire et ses religions. Et bien que les premières années de ma carrière furent presqu’entièrement passées à travailler pour National Geographic en Amérique du Nord, jamais le Moyen-Orient, théâtre de tant de tragédies de l’histoire de l’humanité, ne cessa d’exercer sur moi son magnétisme. Ces tragédies, bien sûr, se déroulent encore de nos jours.

Pour moi, l'importance des événements historiques qui se jouent ici se lit dans les visages et les coeurs des simples gens – ceux qui parviennent à survivre dans cette région si insensée et cruelle, et passent le plus clair de leur temps à rechercher des fondations spirituelles dans une terre qui n'est que sables mouvants. C'est cela qui m'intrigue, et l'objectif de ce reportage était de transmettre la beauté et la dignité des gens dont je suis devenue complice à force de les côtoyer, dans leurs maisons, leurs tentes ou leurs lieux de prière. J'ai trouvé que dans cet environnement, la femme jouait un rôle particulièrement héroïque.

Il n'existe aucun raccourci pour pénétrer ce monde rapidement. Dans un grand nombre de cas, il m'a fallu beaucoup de temps – et un nombre incalculable de cafés turcs – avant de pouvoir prendre des photos. Je remercie tout particulièrement National Geographic de m'avoir permis de prendre le temps de réaliser ce reportage. Sans le soutien et l'encouragement de ce magazine, jamais je n'aurais pu rester sur place assez longtemps pour établir la relation de confiance qui transparaît implicitement au travers de ces images.

Les différends qui s'expriment dans cette région sont immémoriaux. D'autres sont aussi cinglants que les informations quotidiennes, et découlent de la création de l'état d'Israël en 1948, de la Guerre des Six Jours en 1967, de la dernière confiscation de terres arabes ou du dernier attentat contre un autobus à Tel Aviv ou Afula. Peut-être qu'avec le temps les blessures du Moyen-Orient se refermeront-elles (ce pour quoi je prie tous les jours), mais pour Israël et ses voisins arabes, cette région apparaît, comme l'écrivait le romancier israélien David Grossman, "dure et noueuse, comme une cicatrice recouvrant un os brisé et mal ressoudé".

Great Falls, Virginie, juin 1999

Annie Griffiths Belt

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