Entre les lèvres de sa mère et sa peau, du plastique. Eloi est l’un des 25 bébés qui subissent chaque année, en France, une greffe de moelle osseuse et doivent vivre protégés pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois dans une bulle de plastique. Il souffre d’une dysplasie ectodermique avec immunodéficience combinée sévère. Un nom barbare pour deux maladies rares du système immunitaire qu’il a héritées de sa mère. Eloi est le troisième fils de Marie. Mais il a fallu la mort du deuxième, de son petit Jacques, pour qu’elle apprenne qu’elle était porteuse d’une mutation génétique qui se transforme en pathologie chez les garçons. Pendant 9 mois, nous avons accompagné Eloi, Marie et leur famille dans leur quotidien. Un quotidien fait de souffrances surtout ; celle d’Eloi, que nous avons vu se tordre de douleur, hurler, se cambrer derrière sa paroi translucide alors qu’il avait à peine 4 mois, et celle de sa maman, privée de ce « peau à peau » qui soulage les nouveau-nés lorsqu’ils ont mal, terrassée par un sentiment d’impuissance. Il y avait aussi les angoisses, la peur que la greffe « ne prenne pas » ; la mort menaçait Eloi. Et puis, ces petits espoirs – chaque gramme pris par Eloi, immédiatement consigné sur une feuille par sa maman, était une victoire contre la maladie –, ces instants de grande tendresse et d’amour tout simplement. D’amour entre une mère et son enfant. Ce sont tous ces moments qu’Hubert Fanthomme a réussi à sentir, à capter à travers son objectif. Avec la douceur et la sensibilité qui le caractérisent.

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Hubert a ce talent de particulier qu’il sait poser son appareil photo pour regarder, écouter, prendre des notes dans son petit Moleskine noir. Il sait aussi se faire oublier, s’effacer pour capturer avec beaucoup de pudeur les moments les plus intimes. Avec sa voix douce et apaisante, avec une main posée sur une épaule ou un regard compatissant, il gagne la confiance, celle des parents et celle des plus petits qui le regardent ébahis avant de lui sourire puis d’oublier sa présence…

Avec ce sujet réalisé à l’hôpital Necker, Hubert se penchait pour la seconde fois sur le parcours d’un enfant malade. Déjà en 2008, il avait raconté en images, dans un reportage bouleversant, la vie de ces très grands prématurés qui ont quitté, bien avant l’heure, le ventre de leur mère. Hubert avait alors passé plusieurs mois à l’hôpital de Port-Royal. Depuis, il a gardé des liens avec ces enfants et ces mères. Hubert n’a pas d’enfant. Mais il dit, comme moi quand je parle de ma fille, qu’ils sont « la vie ». Qu’à leur contact, on éprouve les sentiments, de bonheur ou de malheur, dans toute leur intensité. Ainsi, nous avons tous deux tremblé pour Eloi, nous nous sommes enthousiasmés quand il a mangé pour la première fois à la cuillère ou quand il a fait ses premiers pas. Nous avons eu du mal à ne pas baisser le regard lorsqu’Eloi était menotté, dans sa bulle, pendant que ses infirmières lui changeaient ses tubulures.

Hubert est un photographe et un homme qui aime prendre son temps. Parce qu’on lui a assez reproché « de prendre trop de temps avec les gens » (notamment avec les personnalités qu’il a beaucoup photographiées pour Paris Match), il en a fait sa devise. Avec Hubert, le lien se crée sans parole.

Mariana Grépinet / Paris Match, juillet 2010.

Hubert Fanthomme

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