Lauréate du Prix Camille Lepage 2021

« Rappelons que lorsqu’une femme est emprisonnée, ce n’est pas un individu qui souffre mais tout un réseau social. Au XXIe siècle, la chasse aux sorcières continue : les femmes exclues restent piégées. » Lisset Coba, 2015

La situation angoissante des femmes dans les prisons d’Amérique latine est peu évoquée, cela a pourtant des répercussions sur toute la région. Le système carcéral est en crise dans presque toute l’Amérique latine, et l’emprisonnement d’une femme peut affecter toute une génération.

Ce travail se concentre sur la condition des femmes emprisonnées au Venezuela, au Salvador et au Guatemala, qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité et de stigmatisation à vie. La plupart des centres de détention ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour séparer les détenus par sexe. Au Venezuela par exemple, il n’existe aucun centre de détention provisoire réservé aux femmes. Quant aux prisons pour femmes, comme celle d’Ilopango au Salvador, elles ont été construites sur le modèle des prisons pour hommes. Les délais de procédure ne permettent pas non plus la séparation par crime ou par âge. Pour les détenus transgenres, c’est une expérience impitoyable car leur identité de genre n’est pas respectée et ils doivent attendre leur procès avec des détenus masculins.

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Loin d’être des lieux où les détenues sont aidées à préparer leur réinsertion dans la société, ce sont avant tout des lieux de souffrance. Les femmes y vivent un enfer : cellules surpeuplées, privations, détentions provisoires qui s’éternisent, droits fondamentaux bafoués.

De plus, les femmes reçoivent moins de visiteurs alors qu’elles dépendent de l’aide extérieure pour survivre à cette expérience. Le soutien psychologique des proches est essentiel, mais surtout leur aide matérielle compense l’incapacité de l’État à fournir nourriture, vêtements et médicaments aux détenues. Cependant, l’aspect le plus difficile de la vie des femmes en prison est lié à la maternité. Dans ces trois pays, il n’existe souvent qu’un seul secteur réservé aux femmes avec leurs enfants pour l’ensemble de la population carcérale. Si les mères trouvent un grand réconfort à avoir leurs enfants avec elles, elles se sentent coupables en même temps de leur faire vivre ça. Et elles savent de toute façon que la séparation arrivera inéluctablement, ne pouvant les garder que jusqu’à l’âge de 3 ans au Venezuela, 4 ans au Guatemala, et 6 ans au Salvador.

Malgré tout, les femmes tissent entre elles des liens extraordinaires d’amitié et de solidarité et font preuve de résilience. Elles partagent tout : nourriture, lits, vêtements et histoires personnelles. Leur corps devient un symbole de résistance, de rébellion contre le système. Elles se tatouent, se maquillent et se coiffent parce que c’est la seule chose qu’on ne peut pas leur enlever. Les détenues quittent la prison traumatisées et stigmatisées. Privées d’espoir, d’emploi et d’un réseau de soutien à l’extérieur, les femmes sont susceptibles de réintégrer la vie de gang ou de commettre des crimes à leur sortie de prison.

Ana María Arévalo Gosen

Ana Maria Arévalo Gosen

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