Le matin de l’annonce de sa mort, j’ai commencé presque intuitivement à prendre des photos. Dès les premières nouvelles, je me suis rendu directement au palais de Kensington où, à 8 heures du matin, un attroupement s’était déjà formé, déposant des bouquets de fleurs.

C’est ici que d’autres photographes et moi-même sommes devenus l’objet d’une certaine hostilité, voire d’agressions, de la part du public qui était venu se recueillir. Le la semblait déjà avoir été donné : la mort de Diana était attribuée à la presse, plus particulièrement aux photographes. Dans les reportages de la BBC, au ton habituellement sobre, on entendait que Diana avait trouvé la mort dans un accident de voiture, et qu’à ce moment elle était “pourchassée par des photographes”.

Faire ouvertement son travail de photojournaliste était devenu presque impossible. Peu à peu, des photographes ont été repérés et interdits d’accès au périmètre autour du palais de Kensington, désormais assailli par des gens venant déposer des gerbes de fleurs devant le portail. La seule solution était de se faire passer pour de simples membres du public et de ne travailler qu’avec un seul appareil de petite dimension. J’ai travaillé ainsi pendant toute cette semaine.

Ayant vécu toute ma vie à Londres, je n’ai jamais rien connu de semblable aux extraordinaires scènes qui se sont déroulées pendant la semaine suivant la mort de Diana. Il s’agissait d’une sorte d’hystérie nationale, qui m’est apparue quelque peu bizarre, voire déprimante. Il était important, à mes yeux, de relater la réaction du pays à la mort de cette femme. Une femme que si peu de gens connaissaient intimement, mais avec laquelle des millions de personnes entretenaient une relation.

Et c’est justement en cela que le comportement du public vis-à-vis des photographes s’est révélé contradictoire. Si la mort de Diana a profondément affecté les gens, c’est parce qu’ils pensaient bien la connaître, grâce justement aux images prises par les photographes, images qui, jour après jour, emplissaient leurs journaux préférés.

Lorsque je pense à ce moment, que je tente de m’expliquer cette irrationnelle détresse collective produite par la mort de Diana, la seule explication à laquelle je parviens est que le public s’est senti, dans une certaine mesure, responsable de ce décès. Leur insatiable désir de tout savoir sur sa vie est un des éléments qui y mirent fin.

David Modell, mai 1998

David Modell

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