Des chiffres * :

24 : nombre de centres de rétention en France

1 693 : nombre de places en centres de rétention

32 268 : nombre de retenus sur l’année (6 % sont des femmes)

29 796 : nombre d’expulsions pour l’année

230 : nombre d’enfants placés en rétention en accompagnement de leurs parents

32 ans : âge moyen des retenus

10,71 jours : durée moyenne de la période de rétention

32 jours : durée maximale de la rétention

163 : nombre de nationalités présentes en rétention sur l’année

533 millions d’euros : coût annuel des expulsions (394 millions pour les frais de garde et d’escorte ; 80,8 millions pour les dépenses de fonctionnement ; 58 millions pour le plan d’extension des centres de rétention)

27 000 euros : coût moyen d’une expulsion (sur la base de 20 000 expulsions effectives sur l’année)

*selon le rapport annuel de la Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués) pour l’année 2008

160 000 euros : coût estimé des tentatives d’expulsion de Guilherme

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Un visage :

Celui de Guilherme Hauka Azanga, travailleur sans papiers angolais de 45 ans, père de deux enfants nés en France. Arrivé en 2002, il a fui un pays qui a connu 25 ans de guerre civile, à l’issue desquels on ne compte pas moins de 500 000 morts. Un pays où l’espérance de vie est de 41 ans, où 40 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté absolue, et 62 % n’ont pas accès à l’eau potable. En France, Guilherme a travaillé dans le bâtiment qui est, avec l’hôtellerie, la restauration et la confection, l’un des secteurs qui emploient le plus de travailleurs sans papiers. Ironie du sort, il sera embauché sur le chantier de la prison de Corbas, où il purgera plus tard une peine de deux mois ferme pour refus d’embarquement lors de sa première tentative d’expulsion. Durant six ans, il a été salarié par le même employeur, qui, à deux reprises, fera une demande de régularisation par le travail auprès de la préfecture du Rhône, laquelle (selon Guilherme) ne donnera aucune suite. Malgré ce silence préfectoral, qui vient s’ajouter aux trois rejets de ses demandes d’asile auprès de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides qui refuse aux alentours de 83 % des demandes d’asile), il continue de travailler et paie des impôts jusqu’à ce jour de fin 2009 où son employeur, craignant un contrôle, finit par le « licencier ».

Un visage parmi d’autres, pour rappeler que derrière les chiffres, il y a des hommes. Pour rappeler qu’une expulsion est un acte lourd de conséquences. Pour rappeler aussi qu’ils sont nombreux, ceux qui n’acceptent pas cette politique du chiffre fixant depuis 2003, pour la première fois dans l’histoire, des quotas annuels d’expulsions. La solidarité, l’engagement et la détermination qui animent le comité de soutien pour Guilherme en sont la preuve. Leurs actions et leur pugnacité sont là pour rappeler la capacité d’indignation de chacun face à des situations insupportables, où l’injustice se mêle à l’arbitraire.

Ensemble, ils s’inscrivent dans la désobéissance civile pour dire non à ce qu’ils estiment être une violence faite à un homme. C’est le combat du légal face au juste, celui de citoyens face à un appareil d’État dont ils dénoncent l’acharnement à l’encontre de leur voisin ou de leur ami, dont le seul délit est de ne pas être né en France.

« Des chiffres, Un visage » met en images cette mobilisation citoyenne pour ne pas oublier l’urgence et la précarité de la situation. L’histoire de Guilherme et de son entourage n’est pas unique, elle est simplement le résultat d’une volonté politique à appliquer des directives toujours plus nombreuses et plus restrictives à l’égard de l’entrée et de la régularisation des étrangers sur le territoire. Un durcissement des lois justifié par un discours politique sécuritaire, qui, avec les ministres de l’Immigration successifs, Brice Hortefeux, Éric Besson et Claude Guéant sous la présidence de Nicolas Sarkozy, tend à rendre l’immigration responsable de l’insécurité et du chômage… alors même que le solde migratoire n’a quasiment pas bougé en dix ans, se situant aux alentours de 75 000 migrants par an. La loi Besson, dernière en date votée le 11 mai 2011, prévoit entre autres l’allongement de la durée de la rétention de 32 à 45 jours, l’interdiction de retour sur le territoire français pour les expulsés, et le report de l’intervention du juge des libertés à cinq jours au lieu de deux, ainsi qu’un véritable durcissement du droit de séjour pour les étrangers malades.

Le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) a été modifié cinq fois en sept ans.

À ce jour, Guilherme n’a toujours pas obtenu de papiers.

Bertrand Gaudillère, 2011

Bertrand Gaudillère

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