À la fin de la guerre froide, la plupart des États soumis à la férule communiste jetèrent leurs principes marxistes par-dessus bord pour s’inscrire tant bien que mal dans un nouvel ordre international. Pourtant, le communisme n’est pas mort. Ces dernières années, le Parti communiste a été porté au pouvoir par des élections démocratiques dans deux pays, et le régime communiste se maintient fermement dans cinq autres. Comment expliquer sa capacité à survivre au XXIe siècle ?

Le communisme est difficile à définir en tant qu’idéologie. Selon la personne qu’on interroge, il s’agit soit de la forme de totalitarisme la plus meurtrière que le monde ait jamais connue, soit d’une défense ardente de la justice sociale.

Lors de mon premier voyage au Népal, j’ai découvert une société organisée avec toute la rigidité du système des castes ; une personne sur cinq était « intouchable ». Lorsque les rebelles maoïstes firent leur entrée sur scène, ils promirent de mettre fin à ces injustices, ainsi qu’à de nombreuses autres dont souffraient les pauvres et les opprimés. Ils étaient les seuls à vouloir agir pour la défense des déshérités du Népal. Les rebelles donnèrent de la force à ces gens et les encouragèrent à résister à leurs oppresseurs en formant des syndicats, en leur apprenant des slogans, en distribuant des drapeaux rouges et en organisant des manifestations.

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Lorsqu’un système injuste est renversé, une société égalitaire émerge-t-elle de ses décombres ? Nombreux sont les intellectuels, artistes et citoyens lambda à l’avoir cru et à avoir applaudi aux révolutions rouges de par le monde, de Pablo Picasso et Charlie Chaplin à Jean-Paul Sartre et Ernest Hemingway. Mais vers la fin du XXe siècle, presque tous avaient appris, souvent à leurs dépens, que lorsqu’on juge le communisme sur ses résultats et non plus sur ses seules intentions, on parvient à un verdict tout autre.

Les preuves sont accablantes. Bien loin de réaliser les utopies dont rêvaient les peuples, les révolutions communistes ont apporté des purges, des crises alimentaires meurtrières, des goulags et des massacres. On impute généralement aux gouvernements communistes la mort d’au moins 85 millions d’êtres humains. Nulle autre idéologie politique ne s’approche de près ou de loin d’un si terrible bilan.

Malgré des échecs aussi criants, certains dirigeants communistes persistent à reproduire strictement le modèle. La dynastie Kim en Corée du Nord et les frères Castro à Cuba continuent à gouverner dans un cadre qui combine une économie planifiée et centralisée, de sévères restrictions à la propriété privée, des services sociaux généreux et une police secrète puissante.

Ailleurs, les dirigeants communistes ont abandonné l’économie planifiée et accepté les avantages et les inégalités du secteur privé. Dans la Chine et le Vietnam d’aujourd’hui, la cupidité et le pragmatisme ont tendance à prendre le pas sur le dogme idéologique. Si les deux pays se sont assouplis au point de vue économique, la liberté d’expression (surtout politique) y demeure hors de portée du citoyen moyen. Et maintenant que l’objectif d’une société sans classe y est tombé aux oubliettes, que reste-t-il pour les distinguer tous deux des autres États à parti unique ?

L’espèce humaine n’a pas complètement assimilé, semble-t-il, les contradictions de l’idéologie marxiste. L’objectif d’une société égalitaire n’a jamais été réalisé par le communisme, pourtant le rêve refuse de mourir. Les atrocités passées s’effacent des mémoires et la mondialisation pousse des légions de nouveaux pauvres aux marges de la société. L’exploitation des êtres humains, les inégalités d’une ampleur extrême et l’impossibilité d’ascension sociale continuent, encore aujourd’hui, à offrir une ouverture à la faucille et au marteau. Une seule question demeure : devons-nous nous réjouir à la vue de nos camarades, ou nous inquiéter ?

Tomas van Houtryve

Tomas van Houtryve

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