Lauréat·e : Prix Françoise Demulder 2021

La plus grande laverie automatique du monde est difficile à manquer avec ses centaines de machines et sèche-linge répartis sur 1 300 mètres carrés. Les néons, le métal brillant et le carrelage émaillé confèrent à l’endroit un certain charme. La laverie est ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elle ne ferme jamais, pas même pour Thanksgiving ou Noël, ni quand le mercure descend si bas que presque tout s’arrête. Elle fonctionne à l’énergie solaire avec des panneaux installés sur le toit pendant que les cycles de lavage s’enchaînent indéfiniment dans ce havre de paix entre le travail et la maison dans une banlieue populaire de Chicago, majoritairement hispanique.

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Chaque journée débute avec du café et des beignets gratuits. Les familles discutent à côté des machines et regardent la télévision sur des écrans géants. Près de la volière où pépient pinsons et colombes, des tables d’école ont été installées pour permettre aux enfants de faire leurs devoirs. Avant la pandémie, on y célébrait Halloween et Noël et on pouvait entre autres admirer magiciens et clowns, ou prendre des cours de danse. La pizza gratuite du mercredi soir était le repas incontournable du quartier, et ces soirées-là, le McDonalds du coin ne faisait venir que la moitié de ses employés.

Dans cette banlieue populaire de Chicago, la « World’s Largest Laundromat » est un endroit sûr. Depuis plus de cinquante ans, il a toujours existé une laverie à ce coin de rue de Berwyn, dans l’Illinois, mais elle n’a acquis son enseigne que dans les années 1980 après avoir remporté un concours.

Au fil des années, la laverie a vu le quartier évoluer. Aujourd’hui, 85 % des clients sont hispaniques, certains sont des sans-papiers, et pendant la pandémie, beaucoup sont des travailleurs essentiels. Originaire du Mexique, Lulu est aujourd’hui une citoyenne américaine. Elle travaille à la laverie depuis dix-sept ans. Elle est du quartier comme la plupart des employés, parle de la laverie comme d’une famille et connaît tous les clients. Les enfants sont importants, et Tom Benson, le propriétaire, l’a bien compris. « Je me suis rendu compte qu’à tout moment, un quart des personnes à l’intérieur de la laverie avaient moins de 16 ans. » Il pense que c’est essentiel d’investir pour les clients – c’est bon pour les affaires. Et les clients font un investissement similaire, en repartant avec des vêtements propres pour découvrir ce qui reste du rêve américain.

[Le reportage offre un regard complémentaire au prochain documentaire qui sera réalisé par Auberi Edler.]

Darcy Padilla

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© Els Zweerink
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