Lauréat·e : Visa d’or humanitaire du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) 2014

La République centrafricaine est plongée dans une crise humanitaire sans précédent. Après un an de terreur imposée par la Séléka - une rébellion majoritairement musulmane -, ce sont désormais les milices chrétiennes anti-balaka qui, par vengeance démesurée, tuent et chassent tous les musulmans de l’ouest du pays. Des quartiers entiers sont assiégés, des femmes et des enfants sont attaqués à la grenade. Face au manque de soutien international, les forces africaines de la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) et l’armée française peinent à contenir les massacres et les déplacements de population. Le pays compte près d’un million de déplacés, soit un quart de sa population, qui n’ont pas ou peu accès à la nourriture et aux soins.

La Centrafrique a longtemps été considérée comme une crise oubliée en raison du manque d’investissement de la communauté internationale. Cela fait 40 ans que la République centrafricaine est en état de vulnérabilité chronique. Selon l’OMS, l’espérance de vie -la deuxième plus faible au monde - est de 48 ans. Le système de santé, quasi inexistant, repose en grande partie sur l’engagement d’ONG internationales. Le taux de malnutrition était de 38 % avant la crise actuelle. Le paludisme y est holoendémique : chaque habitant du pays est infecté au moins une fois par an.

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Depuis décembre 2013, je me suis rendu plusieurs fois en Centrafrique. J’ai couvert la catastrophe humanitaire dans les camps de déplacés de la capitale, comme l’impressionnant camp de l’aéroport M’Poko qui, en quelques jours, s’est vu grossir de 100 000 personnes en grande majorité chrétiennes ou animistes, qui fuyaient les combats entre Séléka et anti-balaka.

Je me suis aussi rendu de nombreuses fois dans les enclaves musulmanes de PK-5, Bégoua, et Boda. Dans chacune le scénario est similaire, les habitants et ceux y ayant trouvé refuge sont assiégés. Quiconque tente d’en sortir risque d’être abattu, parfois même égorgé, démembré. Les anti-balaka qui entourent les enclaves jettent à l’aveugle des grenades qui atteignent au hasard des femmes ou des enfants. La situation sanitaire y est déplorable. L’accès aux soins est très limité.

À Boda, la situation était encore plus critique lors de ma visite en avril dernier. La nourriture était difficilement acheminée pour les quelque 10 000 habitants de l’enclave, souvent bloquée par les opérations de harcèlement des anti-balaka sur la route de Bangui. De nombreux enfants souffraient de malnutrition sévère, principalement ceux de l’ethnie peule, discriminée au sein même de l’enclave.

Les soins étaient assurés par deux infirmiers et un médecin à mi-temps complètement débordés. Sous la pression de l’armée française, l’hôpital de la ville venait tout juste de rouvrir mais, étant situé à l’extérieur de l’enclave, il était bien trop dangereux pour les musulmans de s’y rendre.

*William Daniels *

Je tiens à remercier Time Magazine qui a soutenu ce travail depuis le début, ainsi que L’Express et le site Internet d’Al-Jazeera pour leur soutien ponctuel.

William Daniels

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© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
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