« Ici, c’est le paradis, l’enfer, la folie et la passion. » C’est ainsi que les paroles de la Sinfonía do Rio de Janeiro de São Sebastião de Francis Hime décrivent l’âme et la diversité de Rio.

Voici l’histoire de personnes sans toit ni terre (« sem teto, sem terra »), l’histoire de 300 familles qui, depuis dix ans, vivent dans des immeubles délabrés d’un complexe immobilier qui n’a jamais été achevé, connu sous le nom de Jambalaya (une émission de télévision locale) ou encore Copacabana Palace (un clin d’œil railleur à l’hôtel de luxe situé en bordure de la célèbre plage de Rio).

Il y a 30 ans, une entreprise de BTP brésilienne a construit un ensemble d’immeubles en copropriété pour la classe moyenne, à 60 km du centre de Rio de Janeiro. Mais, en raison de problèmes de construction et de financement, de nombreux immeubles ont été abandonnés et sont restés inoccupés pendant de longues années. Des sans-abri ont investi les lieux et y sont restés malgré des expulsions répétées.

Ici, les gens vivent dans la misère, sans accès aux services de base (eau, assainissement et électricité). Pendant que le Brésil dépense des milliards en infrastructures pour accueillir les grandes manifestations sportives de la planète comme les Jeux panaméricains de 2007, la Coupe du monde de football de 2014 et aujourd’hui les Jeux olympiques de 2016, le monde ne voit pas la face sombre du pays. Malgré d’importantes politiques de lutte contre la pauvreté (surtout en faveur de la classe ouvrière), des millions de personnes sont toujours sans abri ou vivent dans des logements insalubres ou des favelas. La détresse de ceux qui vivent « sem teto, sem terra » est soustraite au regard public, dissimulée à la presse étrangère.

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Mais qui sont ces occupants du Copacabana Palace, assez forts pour survivre et résister dans un environnement si hostile ? Beaucoup vivaient dans des favelas, certains ont fui les dealers, d’autres ne pouvaient plus payer leur loyer qui augmentait chaque mois, d’autres encore dormaient dans la rue ; certains se sont même vu attribuer un logement mais n’ont jamais pu emménager car les narcotrafiquants et leurs familles contrôlent les logements sociaux.

Aujourd’hui, les immeubles sont délabrés et menacent de s’effondrer. Le taux d’humidité est très élevé, avec des eaux usées stagnantes favorisant l’apparition de maladies telles que la dengue, la méningite, la gastro-entérite et les affections dermatologiques. Dans certains bâtiments, des étages entiers se sont écroulés, laissant place à des trous béants.

Les personnes qui vivent ici ont de grands rêves ; elles rêvent d’un logement social, d’un toit digne de ce nom. Au cours de ces dix dernières années, le gouvernement a mis en place des programmes à faible taux d’intérêt pour l’aide au logement, mais sous certaines conditions. De plus, la lourdeur administrative et les temps d’attente sont tels que la possibilité de se voir octroyer un logement social est plutôt une question de chance.

Voici l’histoire de ces personnes qui tentent de survivre, dans l’espoir de jours meilleurs. C’est l’histoire de leur souffrance, de leurs forces et de leurs faiblesses, de leurs échecs et de leurs réussites dans leurs efforts quotidiens pour faire face à cette situation hostile. L’exposition montre leur histoire et la vie que j’ai partagée avec elles pendant sept mois. C’est une vie qui mérite d’être considérée, une vie avec des visages et des voix.

Peter Bauza

Peter Bauza

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