Le 22 février, Jonas Savimbi, dirigeant charismatique et sans pitié de l’Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola, UNITA, a été tué dans une embuscade organisée par les forces du gouvernement. La guerre civile entre les forces gouvernementales du MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola) et l’armée rebelle de Savimbi a été l’un des conflits les plus longs du monde. Cette guerre, qui par sa durée et son ampleur ne ressemble à aucune autre, a fait plus d’un million de victimes, a chassé de chez eux presque un tiers des 13 millions d’Angolais et semé la faim et la maladie dans cette région. L’Angola est un grand pays fertile, avec une population relativement petite, d’abondantes réserves de pétrole et des veines de diamants de très grande qualité.

Ce pays pourrait potentiellement jouir d’une richesse et d’un niveau de vie équivalents à ceux d’un pays du Golfe, mais ses ressources ont été utilisées pour financer une guerre qui a ravagé le pays appauvri et invalidé tout un peuple. Quelques semaines seulement après la mort de Savimbi, les chefs militaires de l’UNITA ont signé un accord de paix avec le Président José Eduardo dos Santos, dirigeant du MPLA.
Cependant, la paix a toujours eu du mal à s’installer en Angola et les initiatives précédentes ont rapidement été suivies d’une reprise du carnage.

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La province isolée de Moxico, à l’est de l’Angola, est le lieu de naissance de l’UNITA et l’endroit où Jonas Savimbi a finalement été piégé et tué. Tout comme le reste du pays, cette province a payé un lourd tribut à la guerre civile. Les années de sanctions et les mesures de répression contre la contrebande de diamants, source de financement du mouvement rebelle, ont considérablement affaibli l’UNITA et restreint sa capacité à mener une guerre conventionnelle. Après l’échec de plusieurs négociations pour la paix, l’armée angolaise a choisi l’option militaire : des milliers de jeunes ont été enrôlés et l’armée a mené une grande offensive dans la région pour en finir une fois pour toute avec l’UNITA. Luena, la capitale délabrée de la province, a servi de poste de commandement avancé au cours de ces opérations et c’est là que les répercussions de la guerre sur la population civile se sont le plus fait ressentir.

A cause de la guerre, les routes et les voies ferrées sont coupées depuis de nombreuses années. L’aide humanitaire et toutes les marchandises sont acheminées par gros porteur, ce qui permet de fournir à la population locale un minimum de produits essentiels. Tous les mois, à mesure que les troupes gouvernementales avançaient dans les zones tenues par l’UNITA, des milliers de personnes étaient déplacées à cause des combats. Ces personnes arrivaient à Luena à pied, en camion ou dans des hélicoptères militaires, après des jours ou des semaines d’errance dans les zones de combats. Les rebelles de l’UNITA dépendent des villageois pour leur subsistance – soit par des donations volontaires soit par un pillage systématique des récoltes et des réserves. Les combats et les pénuries alimentaires ont conduit certains civils à rechercher la protection des troupes gouvernementales ; cependant, on soupçonnait l’armée de mener une politique d’évacuation forcée de la population rurale afin de couper les vivres aux rebelles et de permettre à l’armée de poursuivre l’UNITA sans être gênée par la présence de civils. Les arrivées quotidiennes de centaines de personnes déplacées à l’intérieur du pays (les PDI) - ces personnes étant souvent dans un état déplorable - s’ajoutaient aux plus de 70.000 personnes déjà présentes à Luena. Cela a fait peser un lourd fardeau sur une communauté dévastée par la guerre et, étant données leurs capacités limitées, les organisations humanitaires de la région ont été dépassées par la situation.

Après des années de guerre, le pays est infesté de mines antipersonnel et d’engins non explosés, ce qui fait de l’Angola le pays d’Afrique comportant le plus de mines. Dans cette région, où l’on peut dire que le système économique est inexistant et où il y a des milliers de personnes déplacées, la population survit grâce à l’agriculture de subsistance, à la cueillette et au ramassage de bois de chauffage dans la brousse, activités extrêmement dangereuses lorsque le paysage est truffé de mines. Tous les ans, des centaines de personnes, en grande majorité des civils, sont tuées et des milliers d’autres mutilées par des mines et des engins non explosés. Etant donnée la très longue durée de la guerre et de la crise humanitaire en Angola, les organisations d’aide ont beaucoup de mal à mobiliser les fonds nécessaires pour maintenir et étendre leurs programmes dans le pays.

La mort de Jonas Savimbi et la signature du cessez-le-feu entre l’UNITA et le MPLA représentent une première étape importante sur la voie d’une paix durable en Angola ; cependant, les divisions sont encore profondément ancrées dans le pays. Même avec un arrêt des combats, l’Angola a encore fort à faire pour surmonter les séquelles d’une guerre civile cruelle qui a duré plus de 27 ans.

Je voudrais remercier l’ONG britannique MAG (Mines Advisory Group), www.mag.org.uk, pour m’avoir aidé à réaliser ce reportage et pour leur extraordinaire travail en Angola.

J.B. Russell

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