Beaucoup d’excellents journalistes sont nés « d’accidents de parcours » : des gens qui embrassent le métier par hasard à l’occasion d’événements graves qui viennent bouleverser leurs espoirs et leurs rêves. A l’inverse des professions de justice, de comptabilité ou de médecine, le journalisme n’exige pas de diplômes. Le meilleur moyen d’apprendre c’est de travailler sur le tas, auprès de professionnels. Beaucoup s’y essaient et échouent. D’autres réussissent, Ahmad Masood est de ceux-là. Fin 2001, Masood, 21 ans à l’époque, vivait à Jab-al-Sarraj, point de ravitaillement des forces de l’Alliance du Nord situé dans la vallée du Panchir. Il rêvait alors de fuir l’Afghanistan pour rejoindre son frère à Londres. Et puis il y eut le 11 septembre. Parlant un excellent anglais appris seul, il se proposa en tant qu’intermédiaire (« fixer ») aux journalistes étrangers qui convergeaient vers la ville de Jab-al-Sarraj en guerre. Son premier emploi, à 100 $ la journée, il l’obtint d’un caméraman de télévision de l’Agence Reuters, puis de Ros Russel, journaliste et photographe de la même agence. Il les accompagna à Kaboul sur les talons de l’Alliance du Nord. « C’est de loin le meilleur. Engage-le », m’affirma Ros lorsque, aimablement, elle me « légua » Masood.

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Durant quatre semaines, nous parcourûmes Kaboul et ses environs, nous aventurant jusqu’à Bamiyan, le site des antiques Bouddhas sculptés dans la roche et réduits en miettes un peu plus tôt au cours de l’année 2001 par les Taliban. Ros avait raison. Excellent interprète, habile négociateur, capable de vous mener pratiquement partout, Masood se révéla également précieux en matière d’histoire et de culture afghanes. Il avait manifestement du talent et pendant un temps il se fit la main au reportage de presse pour le compte de Reuters. Puis, un jour qu’il devait se rendre au nord, dans la ville de Mazar-i-Sharif, en vue d’un article et qu’il n’avait pas de photographe sous la main, il emporta un petit appareil numérique. On connaît la suite. Masood venait de découvrir qu’il était doué pour le photojournalisme et depuis, ayant appris toutes les ficelles du métier auprès de photographes de presse en visite, il est devenu notre correspondant, responsable du bureau photo à Kaboul.

Paul Holmes, Rédacteur en chef des nouvelles politiques & générales pour Reuters

Ahmad Masood

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