Quinze ans après la signature des accords de paix entre l’État et la guérilla et la fin du conflit armé au Guatemala, la violence a connu une telle recrudescence qu’elle dépasse aujourd’hui les niveaux atteints pendant la guerre. Les données officielles font état d’une moyenne de 17 meurtres par jour, dans ce pays où seulement 2 % des crimes sont jugés au tribunal. L’impunité est ici chose courante. La violence actuelle est irréfutablement liée aux 36 années qu’a duré le conflit armé. Ce projet comporte plusieurs études de cas issues de la période « d’après-guerre », autant d’illustrations de l’effilochement du tissu social après toutes ces années de conflit interne. Des centaines de charniers ont été découverts dans le cadre d’enquêtes, permettant aux proches des victimes de procéder à un enterrement dans le respect de leurs traditions spirituelles et culturelles. Soutenus par les organisations de défense des droits de l’homme, les survivants ont fait de ces exhumations, et des rapports scientifiques s’y référant, un élément de preuve soutenant la thèse du génocide.

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Certains membres des gangs connus sous le nom de maras sont issus de familles ayant émigré aux États-Unis dans les années 1980 pour fuir la guerre. Une grande partie de cette jeunesse délaissée est rentrée de gré ou de force au Guatemala pour devenir les déshérités d’une société rude qui ne leur offre aucune opportunité d’intégration. Une génération perdue qui s’est construit une identité et des « liens de famille » au sein des maras, intimement liés au trafic de stupéfiants et au crime organisé.

À chaque meurtre, les « croque-morts » nommés calaqueros affluent sur les lieux du crime pour vendre leurs services aux parents endeuillés. Le forfait cercueil-veillée-obsèques est disponible pour seulement 150 dollars, et le marché des pompes funèbres est devenu aujourd’hui l’un des plus juteux du pays.

Les hôpitaux sont démunis face aux centaines de nouvelles victimes qu’ils essaient de prendre en charge chaque jour. Aux urgences, on s’occupe avant tout des victimes d’actes de violence (essentiellement des blessés par balle). Les autres patients, dont le pronostic vital n’est pas engagé, peuvent parfois attendre des heures, voire des jours entiers.

Parce que les cimetières publics de la ville de Guatemala sont pleins, les administrateurs exigent chaque année le paiement d’une commission. Et comme les proches n’arrivent pas toujours à payer, des milliers de corps sont alors exhumés et leurs ossements déchargés dans des ossuaires collectifs.

Malgré ces plaies béantes, le peuple guatémaltèque tente de ramener un tant soit peu de normalité à sa vie de tous les jours.

Rodrigo Abd

Rodrigo Abd

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