Après les quinze années de guerre civile consécutives à la chute, en 1991, du régime du président Muhammad Siyaad Barre qui avaient mis Mogadiscio sous la coupe de soudards et de pilleurs, l’Union des Tribunaux Islamiques (le Conseil suprême des tribunaux islamiques de Somalie) avait, en juin 2006, ramené la paix civile en quelques semaines après avoir chassé les miliciens des War Lords. Les chefs de guerre, ces War Lords aujourd’hui de retour à Mogadiscio, avaient massacré en octobre 1993 dix-huit Marines après avoir descendu deux hélicoptères de combat, exhibé leurs corps devant les caméras du monde entier et amené les Etats-Unis à fuir la Somalie en mars 1994. Aujourd’hui, au nom de « la lutte contre le terrorisme », l’humiliation vécue par les Américains en Somalie en 1993 ne leur aurait-elle pas servi de leçon ? A l’instigation du gouvernement des Etats-Unis, le 5 décembre 2006, le conseil de sécurité de l’ONU, en votant la levée de l’embargo sur les armes, a donné les moyens à l’Ethiopie - qui soutient le gouvernement transitoire somalien refugié à Badoia - de renverser l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI), suspectée d’être liée à Al Qaïda.

schaeffer_somalie_029.jpg
schaeffer_somalie_034.jpg
schaeffer_somalie_028.jpg
schaeffer_somalie_044.jpg

Depuis le retour du gouvernement transitoire somalien à Mogadiscio début janvier, les combats qui ont opposé du 29 mars au 1er avril à Mogadiscio les forces somalo-éthiopiennes, appuyées par les miliciens des chefs de guerre aux milices islamistes, ont fait 1 086 morts et plus de 4 300 blessés, selon la commission instaurée par le gouvernement transitoire avec l’Ethiopie et le puissant clan Halliye chargée d'établir le bilan de ces affrontements. D'après le rapport de cette commission, obtenu le 10 avril 2007 par Reuters, 1,4 million de personnes a dû fuir la capitale somalienne en raison de ces combats. Selon d’autres sources concordantes, on estime que 3 000 à 4 000 civils somaliens sont morts entre décembre et avril 2007. Sur les quelque 8 000 soldats de maintien de la paix que l’Union Africaine (UA) envisage de déployer, à ce jour 1 500 soldats ougandais, seul pays à avoir répondu positivement, sont présents à Mogadiscio. Les bombardements aériens et navals de l’armée des Etats-Unis comme l’aide de Washington à Addis-Abeba n’est-elle pas en train de renforcer le combat et la détermination de l’Internationale djihadiste et susciter l’émergence d’un nouveau bourbier ? C’est une nouvelle terre de l’affrontement entre l’Occident et l’Islam. Ce que je vous raconte, c’est l’espoir déçu et l’angoisse quotidienne des derniers jours des quelque 3 millions d’habitants dont près de 800 000 réfugies et déplacés de Mogadiscio sous le règne de l’Union des Tribunaux Islamiques.

Benoît Schaeffer

Ce reportage a été réalisé à Mogadiscio entre le 2 et le 16 décembre 2006.

Benoit Schaeffer

schaefferportraitn_b.jpg
Voir les archives