En bus, à pieds, en bateaux, les émigrants d’Afrique, qui fuient leur pays parce qu’ils n’y ont aucun avenir, sont prêts à tout pour atteindre le sol européen où ils pensent trouver l’Eldorado. Ils viennent du Sénégal, du Cap Vert ou de Mauritanie et tentent de gagner les côtes espagnoles par tous les moyens. Au cours de traversées infernales ils affrontent avec espoir les pires souffrances et souvent la mort. A bord de « cayucos » et de « pateras », grosses pirogues colorées ou autres embarcations précaires utilisées habituellement pour la pêche, les jeunes clandestins s’entassent comme ils peuvent pour une traversée de plusieurs jours dans des conditions inimaginables. Un jeu de roulette russe : 40% des bateaux qui prennent la mer font naufrage.

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Avant cette traversée de la dernière chance qu’ils payent aux passeurs de 600 à 800 euros, ils se jettent sur les routes, franchissent le Sahara ouest pour parvenir aux côtes du Maroc à partir desquels ils tentent de gagner l’Espagne. Repoussés des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla (au nord du Maroc), dissuadés par des contrôles hispano-marocains dans le détroit de Gibraltar, les émigrants tentent maintenant de gagner l’archipel espagnol des Canaries à partir du littoral, entre Dakhla (Sahara occidental) et le sud de la Mauritanie. Ils se rabattent désormais sur les Îles de Ténérife et de Gran Canaria. 10 000 jeunes africains ont ainsi débarqué dans l’archipel depuis le début de l’année 2006. Mais cette nouvelle route est plus longue et plus dangereuse que les précédentes. La distance de la traversée peut atteindre 1000 kms. Une alternative meurtrière : 1200 à 1300 personnes ont déjà perdu la vie en mer en essayant d’atteindre les Canaries. Ceux qui ont la chance d’arriver sur cette terre promise ont bien des désillusions : ils sont souvent traités comme des délinquants, enfermés dans des centres d’hébergement saturés pour quarante jours, dans des conditions souvent critiquées par les organisations humanitaires. Quand ils ne sont pas reconduits à la frontière, subissant des voyages de retour parfois si éprouvants qu’ils ont déclenché des protestations des gouvernements des pays d’origine qui en appellent « au respect de la dignité », les émigrants sont dirigés vers des grandes villes comme Madrid, Barcelone ou Valence et abandonnés dans la rue, sans argent. La plupart du temps ils ne savent même pas où ils sont. L’unique document qui leur est remis est « un ordre d’expulsion » qui les rend hors la loi. Aux Canaries, le voyage pour certains s’achève tout simplement par de sinistres funérailles. La cérémonie, totalement déshumanisée, se déroule dans un complet anonymat, sans témoin, un simple numéro tracé avec le doigt sur la tombe, dans le ciment encore frais...

Samuel Aranda

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