La bataille pour libérer la deuxième plus grande ville d’Irak de l’emprise du groupe État islamique (EI) a commencé en octobre 2016 et durait encore en juin de cette année.

Neuf mois pour relever un défi militaire périlleux puisqu’il s’agissait d’en chasser les membres de Daech (acronyme arabe de l’État islamique), dont plusieurs milliers de combattants djihadistes prêts à mourir au combat, alors qu’entre un million et un million et demi de ses habitants y vivaient encore au début des opérations.

Dans un pays dont la plupart des rouages sont gangrenés par les inégalités, la corruption et le confessionnalisme, les CTS, les forces spéciales du Service de contre-terrorisme, dépendantes du Premier ministre et non de la Défense, ont acquis la reconnaissance de la population. En guerre contre l’EI depuis trois ans, ces soldats ont combattu Daech dès la création du califat d’Al-Baghdadi en juin 2014. À Ramadi, Hit, Falloujah et dans toute la province d’Anbar, ils se sont montrés plus professionnels et respectueux des Irakiens de toutes confessions que les autres corps militaires. À Mossoul, ils ont joué un rôle prédominant dans la pénétration et la prise de contrôle de la première moitié ouest de la ville. Contrairement au tournant pris avec les attaques au phosphore blanc sur Raqqa en Syrie un peu plus tard, les frappes aériennes internationales précédant leurs attaques étaient généralement parcimonieuses et précises, évitant un désastre humain plus grave que ce qu’il a été. L’avance des troupes était prudente dans le but d’épargner le plus possible les civils, même si 200 000 d’entre eux environ ont été déplacés et beaucoup d’autres blessés ou tués.

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Malheureusement, les autres forces irakiennes engagées dans la bataille – l’armée, la police fédérale et l’ERD, sa force de réaction rapide, beaucoup plus impliquées dans la prise de contrôle de la seconde partie de la ville – ont ensuite dramatiquement alourdi le coût humain de l’opération. À l’est du fleuve Tigre, l’artillerie et les hélicoptères ont tant frappé sans retenue ni précision que des centaines de civils sont morts sous les bombardements (selon les différentes sources humanitaires et des Nations unies, entre 2 100 et 4 000 civils seraient morts entre octobre 2016 et juin 2017). 500 000 autres ont été déplacés. La progression des troupes au sol se faisant sans les précautions que des combats de rue exigent, des milliers de civils ont dû fuir les zones contrôlées par Daech en traversant les lignes de front sous les tirs et les explosions, quand ils n’étaient pas visés par les snipers de l’EI ou retenus de force par les djihadistes qui savaient que la coalition n’effectuait pas de frappes si la présence de civils était visible ou soupçonnée.

Une action armée pour le contrôle de Mossoul était inévitable et la majeure partie de la population, qui a gravement souffert sous l’EI, a longtemps réclamé cette intervention. Mais avant même qu’elle ne commence, la question cruciale était celle de l’organisation politique et de la gouvernance de l’après-bataille. Les forces politiques, principalement chiites, qui se partagent le pouvoir en Irak parviendront-elles à établir l’ordre et la paix à Mossoul et dans la province de Ninive ? La région majoritairement sunnite ne peut s’apaiser qu’avec, entre autres, le retour du respect et de la justice pour sa communauté.

Laurent Van der Stockt

Laurent Van der Stockt

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© Enrico Dagnino
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