Pour les filles du Swaziland, le passage à l’âge adulte est rude. Le Swaziland, minuscule pays africain d’un million d’habitants, est une des dernières monarchies absolues du monde. L’effet combiné d’une polygamie de tradition très ancienne et d’une vision décomplexée de la sexualité s’est révélé désastreux pour les femmes de ce pays.

Le Swaziland se classe en tête de tous les pays du monde pour le pourcentage de séropositifs, et la population la plus durement touchée est celle des jeunes femmes entre 15 et 29 ans : une jeune Swazie sur deux est séropositive.

L’année dernière, le roi du Swaziland a célébré son jubilé d’argent - mais durant les vingt-cinq années de son règne, les jeunes femmes, qui sont pourtant la force vive du pays, ont dû batailler dur, ne serait-ce que pour rester en vie : en dix ans à peine, leur espérance de vie est tombée de 61 à environ 31 ans.

johnson_swaziland_037.jpg
johnson_swaziland_016.jpg
johnson_swaziland_025.jpg
johnson_swaziland_010.jpg
johnson_swaziland_003.jpg

Depuis 2006, je travaille sur les rites de passage à l’âge adulte chez ces jeunes femmes qui vivent au contact de l’épidémie du sida et de ses victimes - des femmes qui, confrontées à des difficultés sans nombre et à une totale incertitude quant à leur avenir, parviennent cependant à conserver toute l’énergie et l’enthousiasme de leur jeunesse. J’ai tenté de saisir, par-delà la tragédie, toutes les nuances qui constituent un être humain.

Ces six dernières années, j’ai beaucoup appris au contact de ces jeunes femmes. Le travail que j’ai mené sur ce sujet m’a permis de voir la vitesse à laquelle se font et se défont des intimités, se nouent et se perdent des amitiés. Et de comprendre que les jeunes Swazies sont toujours au bord de quelque chose - elles sont toujours sur le point de mettre un enfant au monde, d’enterrer leur meilleure amie, de trouver l’amour, de lutter pour survivre. Et toujours seules, toujours blâmées, toujours désespérées.

Mes images portent sur trois thèmes : tout d’abord la danse traditionnelle Umhlanga, pour laquelle quelque quarante mille jeunes femmes venues de tout le pays se rassemblent pour célébrer leur virginité, lors d’une cérémonie de huit jours en l’honneur de la reine mère. Le roi polygame Mswati III se choisit souvent une épouse parmi elles - il en a déjà treize. Le second thème est celui de la culture des jeunes d’aujourd’hui. Quant au troisième, c’est un regard plus intime sur le foyer des femmes séropositives, dont beaucoup souffrent terriblement - de l’oppression qu’elles subissent chez elles, de leur passivité quasi totale dans toute négociation sexuelle, de la violence masculine, de l’isolement, de l’abandon.

Krisanne Johnson

Ce projet bénéficie du soutien d’un Getty Images Grant for Editorial Photography, ainsi que d’une bourse W. Eugene Smith pour la photo humaniste et de l’aide de la Fondation Magnum.

Exposition co-produite par la Fondation Photographic Social Vision.

Krisanne Johnson

portrait_johnson.jpg
Voir les archives