Les guerres, les famines, les catastrophes naturelles laissent dans leur sillage des morts qu’il faut enterrer, mais aussi des survivants qui continuent à vivre tant bien que mal. Si beaucoup d’entre eux traversent ces épreuves le corps intact, il n’en va pas toujours de même pour leur raison.

Au cours des cinquante dernières années, l’Afrique subsaharienne a connu plus de crises que toute autre région du monde. Le prix à payer est lourd : une recrudescence des maladies mentales et un manque de moyens pour les traiter.

Les conflits et les catastrophes accaparent les financements aux dépens de la santé et de l’éducation. Pour les malades mentaux, les hôpitaux deviennent parfois des prisons, et l’ignorance sur leur état conduit au rejet et à l’abandon. Trop souvent, les soins impliquent l’enfermement, que ce soit dans des institutions ou dans les foyers. On accuse les malades mentaux d’être possédés, on les considère comme des sorciers. On fait volontiers appel aux guérisseurs pour les « délivrer », on les enchaîne, on les affame pour éviter qu’ils « nourrissent le démon qui est en eux ». Ce sont véritablement des damnés, non par la volonté de Dieu, mais par celle de leurs proches, de la société.

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Il n’est pas de pire détresse, pas de plus grande vulnérabilité que celle de ces malades et handicapés mentaux dans les pays africains en proie au désastre, ou qui en sortent à peine.

Pour ce projet autofinancé, Robin Hammond est parti dans les jungles de la République démocratique du Congo, enquêter sur les blessures mentales de tous ceux qui portent le deuil de millions de morts, et sur l’impact psychologique de la violence sexuelle sur des centaines de milliers de survivants.

Il nous raconte les ravages de la guerre civile au Soudan en photographiant les malades et les handicapés mentaux enfermés dans la prison centrale de Juba. Pour témoigner des effets psychologiques du déplacement et de la malnutrition, il a séjourné dans le plus grand camp de réfugiés du monde, à Dadaab, où les Somaliens fuyant le conflit et la famine viennent chercher un abri.

Il a photographié les rues et les camps bombardés de Somalie : là, selon l’Organisation mondiale de la Santé, un citoyen sur trois est atteint de troubles mentaux sévères après vingt années de guerre.

Il s’est rendu aussi en Ouganda, où les atroces violences perpétrées par l’Armée de résistance du Seigneur ont provoqué de graves problèmes psychologiques au sein de la population, et où des centaines de milliers d’enfants soldats restent traumatisés parce qu’ils ont dû tuer.

Il a découvert des hommes et des femmes abandonnés par leur gouvernement, leur communauté, la société en général. Une minorité sans voix, reléguée dans les recoins obscurs des églises, enchaînée sur des vieux lits d’hôpital, vouée à passer sa vie derrière les barreaux de prisons crasseuses : ce sont les condamnés au malheur.

Robin Hammond

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