Lauréate du Prix Canon de la Femme photojournaliste 2017

C’est un conflit qui avait fini par faire partie du paysage. La guérilla des FARC a fait 260 000 morts, 7 millions de déplacés et des dizaines de milliers de disparus. La paix, signée en août 2016, a mis fin à un demi-siècle de violences.
Le pays découvre alors une réalité inconnue de la vie des combattantes de ce groupe de rébellion marxiste. Ces femmes auraient représenté près de 40 % des Forces armées révolutionnaires de Colombie et pour elles, pendant ces 53 années de guérilla, les grossesses ont été interdites. Celles qui n’avaient pu l’éviter étaient condamnées à avorter ou à abandonner le nouveau-né. Depuis que la paix a été signée, elles sont des centaines à avoir choisi de donner la vie. La Colombie parle désormais de baby-boom dans la jungle.
Dès 2017, Catalina Martin-Chico parvient à suivre le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui n’ont pas encore rendu les armes et attendent leur réinsertion dans la vie civile. Encore confinés dans des zones de transit, ces ex-combattants des FARC font le dur apprentissage de la transition.

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Retour en Colombie en 2018. Les campements de l’an passé ressemblent désormais à des villages ordinaires. On voit bien encore quelques treillis mais les noms de guerre ont laissé place aux noms de naissance, si longtemps interdits. Portées par un nouveau souffle, ces femmes renouent enfin avec des familles que la lutte armée avait empêché, par sécurité, de jamais contacter. Tous ont un besoin : retrouver des proches, réapprendre le lien social. Tous ont une obsession : l’avenir et trouver une place dans cette société délaissée pendant tant d’années. Car l’indemnité gouvernementale, allouée à tous les combattants désarmés au titre de la transition, cessera d’être versée à l’été 2019.
Les ex-FARC ont recouvré la liberté ; il leur reste quelques mois pour réapprendre le quotidien, s’acclimater à une vie ordinaire, après des années de survie autarcique. Inconnue, effrayante, c’est une vie nouvelle qui doit se dessiner.
Aujourd’hui, certaines de ces jeunes mamans ont quitté ces camps aménagés pour vivre auprès de leurs parents ; d’autres ont choisi de retourner à la campagne et d’y cultiver la terre. Elles ont aussi parfois osé, c’est plus rare, recommencer à zéro, en couples indépendants, souvent contraints à l’anonymat, dans les villes voisines. La plaie immense, laissée par un demi-siècle de violences, se referme peu à peu. Mais si la confiance, dans un climat politique volatile, reste fragile, la Colombie commence prudemment à croire à sa renaissance.

Auberi Edler, mai 2018

Remerciements : Luz Amparo Ramirez, Mathilde Brochard, Diego Carrero, Magdalena Herrera, Elisa Mignot.

Catalina Martin-Chico

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© Fateme Sagheb
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