Je suis venue ici pour essayer de comprendre la pulsion primaire du chasseur moderne, en portant un regard ouvert sur cette société de chasseurs-cueilleurs nomades. Je suis venue ici à la rencontre d’hommes qui savent interpréter le langage d’un paysage. Je suis venue ici à la recherche du silence, pour retrouver l’ouïe que j’avais perdue.

Tous les jours, dans l’Arctique, les Saami, une population autochtone dont le nom signifie « le peuple », sont confrontés à l’extrême.

Les Saami vivent dans les régions arctiques du nord de la Scandinavie et de la Russie : c’est la plus vaste région du monde pratiquant encore un mode de vie traditionnel, axé sur les migrations saisonnières des animaux. Par tradition, ce sont des éleveurs de rennes menant une existence nomade, mais aujourd’hui, ils ne sont plus que 10 % à pratiquer cette activité désormais réglementée par l’Union européenne. Leur survie dépendant de leur environnement, ils sont très sensibles au moindre changement qu’ils peuvent observer dans la nature, et notamment dans le paysage de l’Arctique. Mes photographies explorent cette relation symbiotique qui lie les éleveurs saami à leur environnement, entre monde moderne et racines ancestrales.

J’ai réalisé ces images à Kautokeino (Norvège) et Gällivare (Suède), où j’ai travaillé comme femme de ménage (beaga) pour une famille d’éleveurs saami. J’ai souhaité cette immersion pour mieux comprendre ce que je voyais et ce que je vivais. La prise de vues proprement dite s’est faite intuitivement, mais il a été nécessaire que je m’imprègne totalement de cette culture, que je travaille avec ces gens, que je les écoute, que j’apprenne leur langue, celle des Saami du Nord.

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Cette langue, d’origine finno-ougrienne, a évolué au fil du temps, et l’on considère aujourd’hui que c’est une langue arctique douée d’une grande capacité à exprimer le monde de la nature.

Les éleveurs saami vivent dans leur grande majorité hors des villes, mais ils se situent entre deux mondes, attachés à leurs racines historiques tout en intégrant les réalités du monde moderne. Leur rapport à la nature reste très intime, et leur mode de vie est semi-nomade : ils n’ont guère besoin du monde qui s’étend au-delà de l’Arctique. Ce qui ne les empêche pas d’adopter les moyens de communication modernes, les technologies et la culture populaire d’aujourd’hui.

En vivant avec eux, j’ai découvert que la nature peut être à la fois très belle et très rude ; et en les regardant vivre, j’espère avoir mieux saisi notre fonction de gardiens de la planète, la nécessité de comprendre les cycles de vie et de mort, le rôle que chacun de nous doit jouer.

Les Saami ont réussi à survivre dans des conditions climatiques extrêmes. Et aujourd’hui que la biodiversité, la conservation des forêts, des eaux et de la faune et de la flore sauvages suscitent l’intérêt du monde entier, ce peuple est appelé à jouer un rôle déterminant, puisqu’il nous permet de mieux appréhender le problème de la durabilité du monde arctique.

Erika Larsen

Erika Larsen

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