Au printemps 2013, la ville de Raqqa est la première capitale provinciale en Syrie à tomber aux mains des insurgés depuis le début de la guerre en 2011 (et elle reste la seule à ce jour). L’ambiance est à la fête et les quelques journalistes étrangers qui arrivent sur place sont accueillis par les habitants par de joyeux « Bienvenue dans Raqqa libérée », alors même que le bruit des avions de chasse et des bombes continue de retentir au loin.
Pour ceux qui sont descendus dans la rue pour exiger un changement de régime après 40 années de règne brutal de la famille Assad, Raqqa représente une lueur d’espoir et un exemple de ce à quoi pourrait ressembler la Syrie post-Assad.
Mais la joie est de courte durée. Daech, lentement mais sûrement, prend le contrôle de la ville, arrête et exécute les habitants qui se dressent sur son chemin ou passent pour influents.
Les premiers pris pour cible sont les commandants militaires liés à l’Armée syrienne libre et les groupes armés, modérés pour la plupart, qui luttent contre les forces gouvernementales. Puis Daech s’attaque aux membres d’Ahrar al-Cham, un groupe d’insurgés islamistes qui administrait la ville de Raqqa depuis plusieurs mois.
Mais la menace que représente Daech n’est pas prise au sérieux à temps et dès le début 2014, le groupe prend le contrôle de la ville et en fait la capitale du prétendu État islamique, dont l’emprise territoriale s’étend au cours des mois suivants.

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Au milieu de cette même année, de l’autre côté de la frontière irakienne, Daech conquiert Mossoul, deuxième plus grande ville du pays, en l’espace d’une journée à peine. Une défaite cuisante pour les forces de sécurité irakiennes, qui fuient la ville en masse en dépit de leur supériorité numérique écrasante face aux insurgés.
Trois ans plus tard, à la mi-2017, les forces irakiennes reprennent enfin le contrôle de Mossoul après une opération militaire brutale menée par les États-Unis qui a détruit une grande partie de la ville et a coûté la vie à des milliers de civils. Au bout d’un an, le système judiciaire démantelé et corrompu n’a toujours pas réussi à gagner la confiance des habitants qui restent divisés par la peur des représailles. Beaucoup estiment que les conditions qui ont permis à Daech de s’imposer en Irak sont encore réunies.
En Syrie, à Raqqa, plusieurs mois après l’opération militaire dirigée par les États-Unis fin 2017 qui a chassé les combattants de Daech de leur bastion, les équipes de défense civile travaillent sans relâche pour extirper les corps des victimes de frappes aériennes.
Des bâtiments où un seul combattant de Daech avait été repéré ont souvent été pris pour cible, même lorsque l’on savait que des civils y étaient utilisés comme boucliers humains. Les habitants qui reviennent dans leur ville en ruines ne peuvent que s’interroger : la liberté justifiait-elle tous ces morts et toutes ces destructions ?

Alice Martins

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