Créé il y a cent ans, le parc des Virunga est le plus ancien parc national d’Afrique. Une biosphère unique, plus vaste que l’État d’Israël. Un lieu primordial, mythique et splendide. Une arche unique et fragile, constamment menacée. Le parc abrite le plus grand groupe de gorilles de montagne au monde, une espèce menacée. Il est peuplé d’éléphants, de chimpanzés, de lions et d’hippopotames. Des volcans actifs et les montagnes Rwenzori se dressent le long de son flanc est. S’ils peuvent être préservés, les Virunga resteront le plus grand parc national d’Afrique.
Cependant, au cours des trente dernières années, il est devenu l’un des lieux les plus difficiles et dangereux dans le monde de la conservation.
En 1994, lors du génocide rwandais, plus de 4 millions de personnes ont fui vers ce qui était alors le Zaïre, se déversant dans les Virunga qui sont devenus le plus grand camp de réfugiés du monde. Parmi ceux qui ont fui se trouvaient ceux qui avaient planifié et perpétré le génocide. Cachés dans les Virunga depuis toutes ces années, ils opèrent sous la bannière des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

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Aujourd’hui, plus de la moitié du parc est aux mains des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. C’est la quatrième fois depuis 2008 que ce groupe exerce son emprise sur le parc, mais il n’a jamais été aussi puissant, ayant amassé une fortune grâce à l’exploitation illégale des minerais et autres ressources de l’est du Congo. L’Ouganda a soutenu divers autres groupes rebelles, et aujourd’hui l’armée ougandaise est présente dans les Virunga pour combattre les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe fondamentaliste d’origine ougandaise devenu le représentant de l’État islamique en Afrique subsaharienne. Ces conflits ont causé la mort de plus de 5,5 millions de personnes depuis 1995, dans ce qui a été décrit comme la guerre mondiale d’Afrique.
Le siège du parc a dû être déplacé à plusieurs reprises au cours des trois dernières années, lorsque les rebelles se sont emparés de ce territoire souverain que l’armée congolaise n’a pas réussi à protéger. Les Virunga ont persévéré malgré tout et développé de nouveaux projets pour préserver le parc et en faire bénéficier les Congolais. Des bases opérationnelles ont été construites sur les zones de conflit proches des populations locales. Elles accueillent des rangers capables d’intervenir rapidement ainsi que des soldats bien entraînés de l’armée congolaise. Des figures clés de la population ont reçu un dispositif d’alerte afin de prévenir les troupes en cas de problème. Ces mesures ont apporté beaucoup de sécurité à des milliers d’agriculteurs et aux habitants des petites villes. En parallèle, le parc des Virunga et ses partenaires de l’Union européenne ont construit de grandes centrales hydroélectriques respectueuses de l’environnement et durables en exploitant les rivières et les montagnes du parc. Ces centrales alimentent et éclairent aujourd’hui une grande partie de la région, y compris Goma, la plus grande ville de l’est de la RDC.
Le parc se situant dans une zone d’extrême pauvreté, il est difficile d’expliquer la nécessité de sa préservation. Pourtant, s’il parvient à être préservé, un écotourisme de classe mondiale, combiné aux projets hydroélectriques des Virunga, pourrait véritablement transformer la région et la faire entrer dans une ère plus éclairée.
Souvent, les hommes et les femmes choisissent de devenir rangers dans les Virunga parce qu’il existe peu d’autres possibilités d’emploi. Ils mènent une vie spartiate dans des bases isolées réparties à travers le parc. Plus de 240 d’entre eux sont morts dans l’exercice de leurs fonctions, et ils sont nombreux à avoir été blessés au cours des quinze dernières années. Ils sont les véritables gardiens de cette région du Congo. Malgré les difficultés, ils restent fermement attachés à leur cause. Emmanuel de Merode, biologiste belge, est le directeur du parc, un homme bienveillant et visionnaire. Son courage l’a rendu très populaire parmi les rangers. Il a consacré sa vie à la gestion des Virunga et a survécu à de multiples tentatives d’assassinat.
Les Virunga représentent l’un des plus grands efforts de conservation sur terre. Cette exposition et le livre qui l’accompagne sont une modeste tentative de rendre hommage à ce lieu extraordinaire à l’occasion de son centième anniversaire. J’espère qu’il existera toujours dans cent ans.

Brent Stirton

Brent Stirton

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