Être un spectateur heureux n’est pas si simple qu’il y paraît.

On pourrait penser qu’il suffit d’assister, de regarder, pour savoir pleinement profiter de ce qui est montré. Je ne crois pas que cela fonctionne ainsi. Il faut peut-être des dispositions, une acuité. Le plaisir du spectateur et la réussite de son expérience viennent autant de la qualité de la prestation scénique réalisée que de la participation de son imaginaire, de sa sensibilité et de la sollicitation de sa mémoire émotionnelle.

Jean-Louis Fernandez était photographe avant d’être spectateur. Mais avec la révélation de ses dons dans ces deux domaines, il est devenu photographe de spectacles.

Aujourd’hui, il compte parmi les meilleurs photographes du spectacle vivant et c’est certainement la qualité de sa relation à ce à quoi il assiste qui rend ses images si intenses et uniques.

Ses photos ne ressemblent à aucune autre parce qu’il recompose ce qui est présenté sur le plateau de théâtre en s’impliquant comme spectateur et comme créateur. Son œil sait choisir sur la scène ce qui fait naître son émoi de spectateur. La grande qualité de ses images reconnue par les artistes est de donner à voir ce qu’un spectateur charmé a vu de mieux chez eux. Son regard embellit la scène.

Son adhésion au monde du spectacle l’entraîne à se mêler aux équipes artistiques, à les suivre au plus près dans tout ce qui entoure l’acte de la représentation : répétitions, préparatifs, ainsi que lors de la redescente d’après spectacle : moments de détente, d’échanges entre eux ou avec le public.

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Malgré sa haute taille, on est toujours surpris de le voir circuler, l’appareil en main, très proche. Il disparaît, se fond dans le groupe. Chacun acceptant son objectif braqué sans se sentir agressé. Ceci lui permettant de pouvoir continuer à travailler, même dans les moments d’intimité des artistes, et nous offre de voir ce qu’aucun spectateur ne voit jamais, comme tous ces instants où l’acteur, le danseur cherche dans le miroir de sa loge le regard du personnage, l’énergie du jeu, la foudre qu’il pourra faire éclater le moment venu sur scène.

Les artistes ne se regardent pas dans son objectif comme dans un miroir, ils affrontent l’œil impressionnable de ce complice qu’ils acceptent par vocation. L’œil de la caméra, celui à qui ils sont prêts à livrer ces moments privés où leur être bascule dans l’abandon et la création.

Ce qui bouleverse, c’est l’apparition d’un instant d’éternité, cet instant où irradie toute l’essence d’un être habité de vie.

Jean-Marc Grangier, Directeur de la Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale

Jean-Louis Fernandez

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