Épuisé (beaucoup) par une année à voyager dans des pays difficiles. Déçu (un peu) par le peu de parutions. À sec (comme d’habitude) car ventes médiocres. Abattu (énormément) par la disparition de Rémi Ochlik… l’année 2011 aura été compliquée. Je décide de faire un break, de ne plus couvrir de conflits pendant un certain temps. Tout le monde annonçant 2012 comme l’année de la louze, je décide encore une fois d’être à contre-courant et de me refuser à ce marasme ambiant. Je décide que ce sera une année joyeuse et de paix.

Après avoir fait une trilogie sur la « Rainbow Family » au Brésil, aux USA et en Slovaquie, je vais aller plonger dans les délires du « Burning Man ».

Retour aux États-Unis dans le désert du Nevada. Petit passage par San Francisco, la ville magique où je voudrais bien habiter, juste le temps d’acheter du matériel.

Équipé, location du van aménagé avec un grand lit, en route pour le plaisir. Pas besoin de louer un GPS : dès San Francisco, des dizaines de véhicules surchargés de tentes, vélos, canapés, bâches, valises, glacières, partent en convoi. Sur la route, un véritable exode de vans, camping-cars, camions et voitures tractant caravanes et autres plateformes chargées des fameux véhicules mutants…

Huit heures plus tard, un embouteillage monstrueux avec six files de voitures en plein désert. Je me retrouve avec quelque 60 000 personnes pour passer l’entrée de cette grande fête indescriptible.

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Dès mon arrivée, le « Man » m’avale, je suis pris dans un mélange de liberté, de fête, de délire collectif, d’extase devant tant de sens artistique, d’énergie, de folie. Bref, j’y suis, bel et bien, et je vais en profiter au maximum. Sauf qu’un vent de sable se lève et ne nous lâchera plus pendant trois jours…

Qu’à cela ne tienne, j’avais pris la précaution de protéger mon matériel avec des sacs de congélation en plastique et gaffer. Le sable s’immisce partout, je ne voyais plus rien au bout de quelques heures. J’ai donc fait un test de solidité et résistance de mes appareils en conditions réelles. Je sais désormais ce qu’ils ont dans le ventre. Aptes à aller sur des terrains difficiles, tests de fiabilité passés haut la main. Ils sont même tombés plusieurs fois avec moi dans le sable lors d’accidents de vélo. Eh oui, avec du vent et une visibilité quasi nulle, vous rencontrez parfois un autre véhicule. Et il valait mieux que ce soit un deux-roues plutôt qu’un véhicule mutant transformé en dinosaure d’acier de 20 mètres de long…

Pour ne pas se perdre, utiliser son oreille : il y a toujours une plateforme qui balance du « son ». Toutes les musiques sont présentes, il y en a pour tous les goûts : reggae, électronique, disco, 70’s rock… Donc, au milieu de nulle part, une vingtaine de personnes se trémoussent, avec lunettes de protection et masques ou foulards, au rythme de la sono surwattée. Même chose à 5 heures du matin dans le « deep desert ». Plus de 1 000 personnes toujours debout attendent le lever du soleil. Où que vous soyez, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, il se passe un truc de dingue. Car la nuit est tout aussi délirante, les véhicules mutants s’illuminent, c’est à la fois féerique et démentiel. Le dernier soir, le « Man » est brûlé, il fait une trentaine de mètres de haut. 60 000 personnes se massent autour ; derrière, des centaines de véhicules mutants nous encerclent, éclairés de toutes parts. C’est un moment indescriptible, comme j’en ai rarement vécu. Tant d’énergie et de partage ! Car ici il faut participer, c’est le premier des leitmotivs, et il n’est pas rare que les participants vous offrent des hot-dogs ou des crêpes. Voire un cocktail au rhum ou une dégustation de vin… Toujours au milieu de nulle part, dans le sable et la chaleur, mais entouré de personnes qui viennent vivre comme moi une semaine de folie et de bonne humeur.

Quant aux œuvres d’art, certaines font plusieurs dizaines de mètres et seront aussi brûlées avant le départ. Abnégation, pas d’ego, ça change du monde dans lequel nous vivons… Bien sûr, tout n’est pas parfait, il faudra entre autres que je montre mes images à l’organisation pour qu’elle les valide… Quelques-unes, notamment de gens dénudés, ne passeront pas la censure sauf si j’ai l’accord de ces personnes. Mais m’étant fait voler mon iPhone au retour avec toutes mes notes dedans, ces images ne paraîtront jamais... À moins que j’y retourne l’année prochaine et que je retrouve ces gens… Et ça, il y a de grandes chances, car je veux encore brûler !

Éric Bouvet

Éric Bouvet

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